Excellent élève, Olivier Lacombe entre au Lycée Condorcet et y prépare le concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure (Ulm) où il est admis en 1925. Il y croise, entre autres, Raymond Aron et Jean-Paul Sartre. En 1928, il est reçu à l’agrégation de Philosophie. Cette période est également marquée par une rencontre décisive avec le grand penseur catholique du début du siècle, le néo-thomiste Jacques Maritain, dont il deviendra bientôt un des intimes (au point de se voir confier en septembre 1939, au moment du déclenchement de la seconde guerre mondiale, la garde de sa villa de Meudon qui avait le privilège d’abriter une chapelle abritant le Saint Sacrement). C’est à son contact, et avec ses encouragements, qu’il décida au début des années 30 de se consacrer à l’étude de la pensée indienne, philosophique et théologique.
Dans les années 30, il se forme au sanskrit et aux différentes disciplines de l’Indianisme sous la direction de maîtres comme Sylvain Lévi, Louis Renou, Paul Masson-Oursel. Il fait un premier grand voyage « initiatique » en Inde en 35-36. Disposant de moyens matériels limités, il arpente le sous-continent du Nord au Sud et d’Est en Ouest, tantôt à pied, tantôt à bicyclette ou en train. Ce voyage est aussi, pour lui, l’occasion d’une première rencontre avec Gandhi auquel il consacrera plus tard un ouvrage demeuré un classique (cf Bibliographie). Il est aussi l’un des premiers Occidentaux à mesurer l’intérêt que présente la lecture des classiques philosophiques sanskrits en dialogue avec les érudits traditionnels locaux, les « pandits ».
Rentré en France, il soutient en 1939, en Sorbonne sa Thèse principale, consacrée à une étude en parallèle des systèmes de Shankara et de Râmânuja, et sa Thèse complémentaire dans laquelle il édite et traduit certains écrits de Râmânuja encore quasiment inconnus en Occident, à l’époque (cf Bibliographie).
De 1947 à 1971, Olivier Lacombe a été directeur d'études des religions de l'Inde à l'EPHE, Ve section.
En 1939 – dispensé de service militaire en raison de sa constitution fragile – il est nommé Directeur de l’Institut de philosophie à l’Université d’Ankara. Plus tard, il rompt tout lien avec le gouvernement de Vichy et adhère à la « France libre » du Général de Gaulle. D’abord transféré au Liban, il est nommé en 1945 Conseiller culturel auprès du Service Diplomatique Français en Inde. En poste à Calcutta, il a regard sur les « Comptoirs » français en Inde (Pondichéry, Karikal, Chandernagor…) où se réfugient les opposants indiens à la présence britannique, tels Shri Aurobindo qu’il rencontre à Pondichéry. C’est l’époque aussi d’une nouvelle rencontre avec Gandhi et d’un premier contact avec le pandit Nehru et sa fille, Indira Gandhi.
Rentré en France, il est nommé à Lille, en 1947, dans la chaire d’Histoire de la Philosophie et de Philosophie comparée, créée pour lui à la Faculté des Lettres (dont il sera le Doyen de 1955 à 1959). Parallèlement, il est élu, la même année, à la Ve Section de l’EPHE où il dispensera, jusqu’en 1971, un enseignement de recherche centré sur la philosophie indienne. (Il s’agissait d’un enseignement non pas élitiste – car il était en principe ouvert à tous – mais que nous n’étions souvent que quelques uns à suivre, réunis avec le maître autour d’une grande table ovale dans la salle centrale de l’Institut d’Etudes indiennes). En 1959, Il quitte Lille pour la Sorbonne où il est élu, en 1959, à la chaire de philosophie comparée, et où il enseignera jusqu’à son départ en retraite en 1974. Les événements de Mai 68 le trouvent Directeur du Département de Philosophie. Nous avons été plusieurs à admirer à l’époque sa manière de suivre une « voie moyenne », presqu’au sens bouddhiste, entre la démagogie de certains collègues et le conservatisme borné manifesté par beaucoup d’autres. Après l’éclatement de la Sorbonne, fera alors le choix de son rattachement à Paris IV, quand ses collègues indianistes rejoignent l’université de la Sorbonne nouvelle-Paris III. Il va aussi diriger l’Institut de civilisation indienne de l’Université de Paris. Il est élu en 1977 à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, au fauteuil de George Davy. Au cours des années suivantes, il participera aux travaux de cette Institution dans la mesure où sa santé déclinante le lui permettra.
Olivier Lacombe a été professeur honoraire des Universités, et professeur émérite de la Sorbonne. Il a été membre de la Société asiatique et de la Société française de Philosophie de Paris, ainsi que de la Société asiatique de Calcutta ; président du Cercle d'Etudes Jacques et Raïssa Maritain, président d'honneur du Centre catholique des Intellectuels français, de l'Association française des Amis de l'Orient et de l'Institut international Jacques Maritain de Rome. Olivier Lacombe était également membre de l'Académie septentrionale.
Il a contribué aux Etudes philosophiques, au Dictionnaire de Spiritualité, à l'Histoire des dieux, des sociétés, des hommes (Jean Cazeneuve dir.), aux Mélanges C. Molette. Histoire des croyants, mémoire vivante des hommes et à l'Encyclopédie universelle.
Après sa thèse, soutenue en 1939, toute son œuvre ne sera qu’un immense et paradoxal effort – perpétuellement renouvelé selon des angles d’attaque différents – pour cerner toujours plus finement l’originalité de la pensée et de la spiritualité chrétiennes, confrontée aux prestiges d’une métaphysique indienne que d’aucuns – par exemple René Guénon et ses disciples – considéraient comme l’expression la plus authentique de « la » Tradition. Elle ne sera cependant pas celle d’un polémiste. O. Lacombe cherchera toujours à « accompagner » la pensée indienne – et notamment le Vedânta – à suivre sa logique propre aussi loin que possible, quitte à faire ressortir en creux, à suggérer in extremis ce qui lui manquait pour s’égaler au modèle « indépassable » représenté par l’enseignement du Christ et son élaboration théologique ultérieure.
Ouvrages
- L’Absolu selon le Védânta, Paris, Geuthner (Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études 49), 1937 ; réed. Paris, P. Geuthner, 1966.
- La doctrine morale et métaphysique de Râmânuja, Paris, Adrien-Maisonneuve, 1938.
- Existence de l’Homme, Paris, Desclée de Brouwer, 1951.
- L’Inde Classique, vol. III, § 2455-2492, Paris-Hanoï, 1953.
- Chemins de l’Inde et Philosophie chrétienne, Paris, Alsatia (« Sagesse et cultures »), 1956.
- Gandhi ou la force de l’âme, Paris, Plon, 1964.
- Indianité, Paris, Les Belles-Lettres (« Le monde indien »), 1979.
- L’élan spirituel de l’Hindouisme, Paris, F.-X. de Guibert, Roubaix, Œil, 1986.
- L’Expérience du Soi, Etudes de Mystique comparée (avec L. Gardet), Paris, Desclée de Brouwer, 1986.
- Jacques Maritain ou la générosité de l’intelligence, Paris, Téqui (« Croire et Savoir »), 1991.
- La Bhagavad-Gîtâ, trad. O. Lacombe et A.M. Esnoul, Paris, Seuil (« Points-Sagesse »), 1997.
- Orient et Occident – Ultima Verba, Paris, Parole et Silence, 2001.
Articles
« Note sur Plotin et la pensée indienne », École pratique des Hautes Études, sciences religieuses, Annuaire 1950-1951, p. 3-17. Repris dans Indianité.
Son activité extra-universitaire est également considérable. Il est président du Centre Catholique des Intellectuels Français, une première fois en 1958 et ensuite entre 1965 et 1970. A ce titre, il participe à de nombreux débats publics consacrés à ce que nous appellerions aujourd’hui des « sujets de société ». Il voyage également beaucoup en Inde (par exemple, pour le Centenaire de Shri Aurobindo et à l’occasion du 2500e anniversaire du Bouddha) ainsi que dans le monde entier. Il préside à Manille en 1960 le premier Colloque interreligieux et participe en 1964 à Bombay au Congrès Eucharistique Mondial sous l’égide du Pape Paul VI. Devenu Consultant (de 1965 à 1970) auprès du Secrétariat Pontifical pour les non-chrétiens, il participe aux « journées romaines » consacrées aux Missions en terre d’Islam.
- Dictionnaire des philosophes, sous la direction de D. Huisman, Paris, t. II, p. 1632.
- Etat de l'Académie des Sciences morales et politiques au 1er janvier 2000, Paris, 2000, p. 13-14.
- Madeleine Biardeau, Olivier Lacombe. Annuaire de École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, t. 109, 2000-2001. 2000, pp. 23-25.