Louis Massignon était le fils de Fernand Massignon, sculpteur, graveur et peintre - Pierre Roche de son nom d’artiste.
Après des études secondaires au lycée Louis-le-Grand, où il se lie d’amitié avec Henri Maspero, le futur sinologue, il poursuit des études de lettres et obtient la licence en 1902. Suite à un voyage au Maroc, il entreprend des études d’arabe, à l’EPHE et à l’Ecole des langues orientales, où il obtient son diplôme d’arabe classique en 1906. Il part pour Le Caire en 1906, comme membre de l’Institut d’Archéologie Orientale. En 1907, il décide d’entreprendre sa thèse de doctorat sur le mystique musulman Hallâj, exécuté en 922. Un tournant décisif a lieu en 1908 en Irak, lors d’une expédition archéologique qui tourne mal. Emprisonné par la police ottomane, se croyant condamné à mort, il dévide de devenir un fervent catholique. En 1992, Massignon soutient sa thèse de doctorat sur Hallâj, suivie et relue par les grands islamisants Ignaz Goldziher puis Christiaan Snouck Hugronje.
Il succéde à l'EPHE à Maurice Gaudefroy-Demombynes à la chaire d’« Islamisme et religions de l’Arabie » en 1932. A l’EPHE, Massignon consacre de nombreux cours annuels aux documents sur les premiers courants musulmans (chiisme, kharéjisme), aux commentaires de certains passages coraniques (sourates 2-19, 38, 42, 53, 88-94), au vocabulaire philosophique arabe. Son successeur sera Henry Corbin.
Il a été élu comme titulaire au Collège de France en 1926 (chaire de Sociologie musulmane, dont il était suppléant depuis 1919).
Louis Massignon a beaucoup voyagé, entretenant des rapports suivis avec nombre d’intellectuels orientaux, comme les égyptiens Mustafâ ‘Abd al-Râziq, Taha Husayn, Ibrahim Madkour, ou les libanais Michel Hayek et Youakim Moubarac. Il a été membre de l’Académie de Langue Arabe du Caire en 1933, de la Royal Asiatic Society, de l’Académie des Sciences de l’URSS en 1924, de l’Académie iranienne en 1945, de l’Académie afghane en 1945. Il a été lui-même le professeur voire l’inspirateur de plusieurs islamologues de renom tels Henry Corbin, Roger Arnaldez, Louis Gardet, Georges C. Anawati, Jacques Berque. Il entretint des rapports avec un grand nombre d’intellectuels français, dont Paul Claudel depuis 1909, Jacques Maritain, Gabriel Marcel – et européens (participation régulière aux Congrès des Orientalistes, aux sessions Eranos à Ascona notamment).
Parallèlement à ses activités proprement universitaires, Louis Massignon assume des charges diverses selon les événements. Officier sur le front d’Orient durant la guerre 1914-1918, il part combattre en Macédoine (où la Croix de Guerre lui a été décernée) et au Proche-Orient, rencontrant T. E. Lawrence lors de l’entrée des troupes alliées à Jérusalem en 1917.
Les domaines de recherche de Louis Massignon ont été très variés. Une partie très importante de ses recherches a été consacrée à la mystique musulmane. Il a toutefois approfondi bien d’autres aspects de la culture arabe : histoire, linguistique, poésie. Il a également écrit sur les sociétés du monde musulman contemporain, notamment celles qui étaient incluses dans l’Empire colonial français. Ses écrits dans le domaine de la spiritualité chrétienne sont à noter également.
- Kitâb al-Tawâsîn de Hallâj, édité, traduit et commenté, Geuthner, 1913.
- La Passion de Hallâj, martyr mystique de l’Islam, 1922 ; édition revue et augmentée de notes et d’index, Gallimard, 1975, 4 vol.
- Essai sur les origines du lexique technique de la mystique musulmane, 1922, réédition au Cerf, 1999.
- Dîwân de Husayn Mansûr Hallâj, texte édité, traduit et présenté, 1931, rééd. Seuil, 1983.
- Akhbâr al-Hallâj – Recueil d’oraisons et d’exhortations du martyr mystique de l’Islam, 1936, rééd. Vrin, 1975.
- Ecrits mémorables, recueil des plus importants articles : textes établis par établis, présentés et annotés par Ch. Jambet, F. Angelier, F. L’Yvonnet et S. Ayada, 2 vol., Paris, Robert Laffont, 2009.
Par la suite, ses prises de positions notamment en faveur des réfugiés arabes de Palestine, du roi du Maroc exilé (1953-1955), des travailleurs maghrébins émigrés en France, des musulmans d’Algérie enfin étaient plus morales que proprement politiques : il s’agissait de respecter la « parole donnée » de la France face aux populations musulmanes. Elles lui valurent néanmoins de vives inimitiés.
Catholique engagé, après être devenu tertiaire franciscain en 1932, il est ordonné prêtre dans le rite grec-catholique en 1950. Il se consacre au dialogue islamo-chrétien, et son rôle y est considérable, car il jouit de la considération de plusieurs hauts dignitaires ecclésiastiques, comme le cardinal Montini, futur pape Paul VI.
Henry Corbin, « Louis Massignon (1883-1962) », École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire 1963-1964. t. 71. 1962. p. 30-39.
De nombreuses publications ont été consacrées à la biographie de Massignon, entre autres, G. Harpigny (1981) ; V. Monteil (1987) ; Ch. Destremeau et J. Moncelon (1994). Pour ses relations avec l’islam, v. P. Rocalve (1993), et avec des contemporains, v. Massignon, Cahiers de l’Herne (1970) ; volumes collectifs sous la direction de Daniel Massignon (1987 et 1996) et de J. Keryell (1997 et 1999). D’importants éléments de sa correspondance ont été publiés, notamment de celle avec Paul Claudel (2012 par D. Millet-Gérard), Mary Kahil (1987, par J. Keryell), Charles de Foucauld (par J.-F. Six, 1993), Jean–Mohammed. Abd-el-Jalil (par F. Jacquin, 2007). Mentionnons enfin Massignon intérieur de P. Laude (2001), belle avancée dans une pensée riche et complexe. L’Association des Amis de Louis Massignon, animée entre autres par Daniel Massignon (décédé en 2000) et son épouse Nicole, et André de Péretti ont organisé des conférences et publié un Bulletin d’une bonne tenue documentaire de 1994 à 2012.