Après une scolarité brillante, Jean-Claude Chamboredon intègre en 1959 l’ENS de la rue d’Ulm et obtient en 1962 l’agrégation de lettres classiques. Avec quelques normaliens littéraires (parmi lesquels Christian Baudelot et Jean-Claude Combessie), il découvre la sociologie alors qu'à l’ENS la philosophie domine, au travers notamment de la figure de Louis Althusser. Jean-Claude Chamboredon participe ensuite aux travaux du Centre de sociologie européenne (CSE), alors dirigé par Raymond Aron et au sein duquel Pierre Bourdieu, de retour de ses premiers terrains d’enquêtes en Algérie, lance une série d’enquêtes véritablement novatrices. Les séminaires du CSE ont lieu à la VIe section de l’EPHE avant qu’elle ne devienne en 1975, l’EHESS.
En 1965, il devient à l’EPHE, chef de travaux et secrétaire du CSE. Il est ensuite maître de conférences. Il y reste jusqu'au moment où la VIe section devient l'EHESS, qu'il intègre naturellement.
Jean-Claude Chamboredon débute sa carrière comme assistant à l’Université de Lille qu’il rejoint en 1963 pour deux ans. En 1965, il intègre l’EPHE, chef de travaux et secrétaire du CSE. À la rentrée 1968-1969, il devient «caïman» de sociologie à l’ENS Ulm et marquera des générations d’agrégatifs qui se souviennent encore de sa profonde érudition et de son humour caustique, parfois empreint d’une certaine mélancolie. En 1977, il met en place à l’ENS l’agrégation de sciences sociales. Outre les cours d’agrégation, il apprend véritablement aux étudiantes et étudiants le « métier de sociologue », titre de l’ouvrage qu’il rédigera en 1968 avec Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, en leur donnant le goût de l’enquête empirique. En 1983, il crée avec Marc Augé à l’EHESS, le DEA de sciences sociales. Y sont formés de nombreuses et nombreux chercheures et chercheurs en sciences sociales aujourd’hui très reconnus. En 1988, Jean-Claude Chamboredon devient directeur d’études à l’EHESS à Marseille, où il retrouve Jean-Claude Passeron et Jean-Louis Fabiani.
Dans ses recherches, J.-C. Chamboredon a abordé des sujets aussi variés que l’enfance, la chasse, l’histoire de la sociologie (ses cours érudits, pétillants, libres et originaux sur Durkheim ont beaucoup marqué ses auditeurs, tout comme ceux sur « le local » dans le cadre de la préparation à l’agrégation de sciences sociales). Deux de ses articles, l’un sur les grands ensembles, co-écrit avec Madeleine Lemaire, et l’autre sur la délinquance juvénile, tous deux parus dans la Revue française de sociologie en 1970 et 1971, gardent aujourd’hui une actualité certaine.
On voudrait ici faire place à une contribution tout à fait passionnante et sans doute quelque peu méconnue, une note critique parue dans la Revue française de sociologie. En 1974, un colloque qui a lieu à Strasbourg sur« l’évolution de l’image de la mort dans la société contemporaine et le discours religieux des Eglises » fait l’objet en 1975 d’un numéro des Archives de Sciences Sociales des Religions, « Évolution de l'Image de la Mort dans la Société contemporaine et le Discours religieux des Églises », dans lequel on trouve notamment des contributions de Philippe Ariès, Michel Vovelle, François-André Isambert et Martine Segalen. Peu après, en 1976, Jean-Claude Chamboredon en propose dans la Revue française de sociologie une note critique, « Sociologie et histoire sociale de la mort : transformations du mode de traitement de la mort ou crise de civilisation ? » Il débute cette contribution en constatant que le discours sur la mort semble être « en passe de relayer ou de compléter le discours sur la culture de masse comme terrain d’expression et de nostalgie ». Il relève l’importance de l’agencement des relations entre institutions politiques et valeurs sociales à travers l’exemple du champ funéraire et religieux. Fidèle aux préceptes énoncés dans Le métier de sociologue, Jean-Claude Chamboredon choisit de s’intéresser davantage aux pratiques et discours, celles et ceux des vivants, qu’aux objets, la mort et les mourants. Mobilisant les disciplines des contributeurs, la sociologie, mais aussi l’histoire, la philosophie et l’anthropologie, il évoque les changements dans le traitement de la mort, se centrant ici sur le rôle de la religion, discutant la perte de sens de la mort étudiée en parallèle de l’affaiblissement des structures religieuses. Ce qu’il retient de cet ensemble d’articles, ce sont précisément les transformations des modes de traitement de la mort, constatant alors qu’il existe un lien entre ces dernières et le changement des relations sociales, qu’il faut saisir en regard du rôle joué par la religion. La lecture de cet article s'impose à qui voudrait, en contexte pandémique, enrichir les travaux sociologiques sur la mort. Pour riche et foisonnant qu’il est, l’héritage intellectuel de Jean-Claude Chamboredon frappe encore par son actualité.
Période EPHE
– Avec Jean-Claude Passeron et Pierre Bourdieu, Le Métier de sociologue, Paris : Mouton, Bordas, 1967.
– Avec Jean Ibanès, Développement économique et changement social. Classe sociale et changement social, Paris - Bruxelles – Montréal, Bordas, 1974
– Avec Madeleine Lemaire, «Proximité spatiale et distance sociale», Revue française de sociologie, 1970, XI, p.3-33.
– «La Délinquance juvénile, essai de construction d’objet», Revue française de sociologie, 1971, XII, 335-377
– Avec Jean Prévot, « Le “métier d’enfant”. Définition sociale de la prime enfance et fonctions différentielles de l’école maternelle », avec Jean Prévot, Revue française de sociologie, 1973.
– « La diffusion de la chasse et la transformation des usages sociaux de l'espace rural », Études rurales, 1982.