Père médecin, agrégé de Médecine, professeur à Montpellier
Né en 1889 à Nancy d’une famille de médecins, Henri Vallois suit les traces de son père et étudie la médecine à Montpellier sous la direction de l’anatomiste Paul Gilis et de Louis Vialleton, spécialiste renommé de morphologie des Vertébrés. Préparateur au laboratoire d’anatomie comparée de l’Université de Montpellier, il entreprend une thèse de Doctorat en médecine sur l’anatomie des membres : ses travaux sur l’articulation du genou s’élargissent à une comparaison de la locomotion de l’Homme et des autres Primates. Sa thèse Étude anatomique de l’articulation du genou chez les Primates, publiée en 1914, est un ouvrage de 500 pages qui fait autorité en arthrologie. Plusieurs os et ligaments du genou humain portent son nom.
Pendant la guerre 1914-1918, Vallois rejoint l’armée comme médecin volontaire et reçoit plusieurs médailles et citations. Agrégé en 1920, il est nommé à Toulouse où il devient professeur d’anatomie à 32 ans. Il y poursuit ses recherches en étudiant différentes structures anatomiques telles que la vertèbre diaphragmatique et l’omoplate. Cependant, c’est l’anthropologie qui constitue l’essentiel de ses recherches. Dès 1912, Vallois est devenu membre de la Société d’anthropologie de Paris, fondée en 1859 par Paul Broca. Au Muséum de Paris, la rencontre en 1918 de Raoul Anthony (1880-1939) renforce son intérêt pour l’anthropologie physique. Dans la mouvance de Broca, Manouvrier, Quatrefages, Boule, Topinard, et Verneau, Vallois se concentre sur la typologie et la classification des races. Sa connaissance de plusieurs langues, l’allemand, l’anglais et l’italien, et ses multiples voyages en Asie, en Afrique et en Amérique, favorisèrent son exploration de la diversité humaine.
En 1933 Vallois obtint la création d’un laboratoire d’anthropologie de l’EPHE à Toulouse, auquel fut rattaché le Laboratoire Broca en 1937, et dont il assura la direction jusqu'en 1961.
Vallois est nommé professeur d'anatomie humaine à Toulouse en 1922. Entre 1930 et 1944, il accumule nombre de positions clés dans les institutions de l’anthropologie française. En 1933 il obtient la création d’un laboratoire d’anthropologie de l’EPHE à Toulouse, auquel est rattaché le Laboratoire Broca en 1937, et dont Vallois assure la direction jusqu'en 1961. Dès lors, il divise son temps entre Toulouse et Paris, où il est actif dans les plus grandes institutions de la discipline. Il est à partir de 1930 un des directeurs de la grande revue l’Anthropologie ; en 1937, il devient secrétaire général de la Société d’anthropologie de Paris et directeur de ses Bulletins et Mémoires. En 1939, il succède à Raoul Anthony à la direction de l’Institut de Paléontologie Humaine fondé en 1910 par le prince Albert Ier de Monaco. Lorsque le gouvernement de Vichy démet Paul Rivet de ses fonctions au Musée de l’Homme en 1941, Vallois occupe ses fonctions de professeur d’“Ethnologie et anthropologie des hommes actuels et fossiles” au Muséum et de directeur du Musée de l’Homme. Après la Libération, il garde ses positions prestigieuses acquises sous l’Occupation et remplace à nouveau Rivet lorsque celui-ci, à sa retraite, quitte ses fonctions au Musée de l’Homme en 1951. Vallois est élu membre de l’Académie de médecine en 1952. Entre 1961 et 1970, il se retire de la plupart de ses responsabilités académiques et scientifiques.
Les travaux de Vallois se situent dans le prolongement de la grande tradition française de l’anthropologie physique du XIXe siècle, définie comme l’effort pour décrire et classer les races humaines dans l’espace et dans le temps. Toute sa vie, il s’efforça de constituer une description exhaustive des races humaines, étudiant sur le terrain la population de la France, puis du Portugal, les Pygmées d’Afrique, les peuples du Congo, du Cameroun, de Madagascar, d’Afrique centrale, parcourant le monde à la recherche de races peu connues qui restaient à identifier et à décrire. Les classifications de Vallois identifient quatre grandes races, les Australoïdes, les Leucodermes, les Mélanodermes, les Xanthodernes, qui se diversifient en 27 races caractérisées par des traits tels que la couleur de peau, l’aspect des cheveux, la taille et la forme de la tête. Entre 1939 et 1944, il publie trois livres importants sur les classifications raciales : Les races de l’empire français (1939) Anthropologie de la population française (1943) et Les races humaines (1944), réédité jusque dans les années 1980. Vallois était convaincu de l’importance d’introduire la classification des groupes sanguins dans la taxinomie raciale. En paléoanthropologie, il est l’un des derniers et des plus ardents défenseurs de la théorie des Presapiens européens, aujourd’hui abandonnée.
Vallois régna pendant quarante ans sur l’anthropologie française, publiant plus de 400 articles et 30 ouvrages, et cumulant les fonctions de Directeur du Musée de l’Homme, Directeur du Laboratoire d’Anthropologie et du laboratoire Broca à l’EPHE, Directeur de l’Institut de paléontologie humaine, secrétaire général de la Société d’Anthropologie de Paris, et la direction de trois des plus importantes revues dans son domaine. Certains de ses travaux, publiés ou traduits en anglais et dans d’autres langues étrangères, connurent un rayonnement international.
Cependant l’anthropologie ne retient aujourd’hui que peu de choses des travaux de Vallois. Au regard de la science actuelle (et même dans une certaine mesure de la science de son temps), la plupart de ses idées – taxinomie typologique des races, défense d’une classification raciale fondée sur les groupes sanguins, réticence à l’introduction de la génétique des populations en anthropologie, soutien à la théorie des presapiens européens et à la validité du fossile de Piltdown, croyance à l’origine asiatique d’Homo sapiens, convictions sur la position phylogénétique des Néandertaliens et des Australopithèques, philosophie néolamarckienne de l’évolution (en partie inspirée par Lucien Cuénot) – sont aujourd’hui obsolètes, voire totalement dépassées. Le naufrage des idées de Vallois suit le destin de l’anthropologie physique traditionnelle au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale.
Livres
Étude anatomique de l’articulation du genou chez les Primates, Montpellier (1914).
Les races de l’empire français (1939).
Anthropologie de la population française (1943).
Les Races humaines, Paris : PUF (1944).
La grotte de Fontéchevade II. Archives de l’Institut de Paléontologie Humaine, Anthropologie, Mémoire 29, Paris, 1958, p. 6-164.
Ouvrages en collaboration
(avec Marcellin Boule), Les Hommes fossiles, Eléments de paléontologie humaine, (nouvelle édition) Paris : Masson, 1946. English transl. as Fossil Men, Dryden Press, New York 1957
(avec H. L. Movius), Catalogue des Hommes fossiles, Congrès géologique international, Macon 1953.
(avec Germaine Henri-Martin), La Grotte de Fontéchevade, Archives de l’Institut de Paléontologie Humaine, Paris : Masson, 1957.
Articles
« Neandertals and Praesapiens », Huxley Memorial Lecture, London Royal Anthropological Institute of great Britain and Ireland, vol. 1/2 anv.-déc. 1954, p. 111-130.
« Race », Anthropology Today, 1953 p. 145-162.
(avec Marcellin Boule), « Australopithecines », Human Evolution, New York 1959, p. 227-230.
Jean-Pierre Bocquet-Appel, « Interview de Henri Victor Vallois, le 15 février 1981 », Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, n. s., t. 8, 1996, 1-2, p. 81-103
André Delmas, « Eloge d’Henri Vallois », Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, t. 166, n° 3, mars 1982, p. 303-312
Claudine Cohen, Article « Henri-V. Vallois », New Dictionary of Scientific Biography, 2008.