Alain Rocher obtient l'agrégation de lettres classiques en 1976 et un doctorat d’État de Université Stendhal Grenoble III en 1989. Il fait des études japonaises à l’Université de Seinan Gakuin et à l’Université de Tokyo de 1976 à 1991. Il effectue une permanence (tenure) à l’Université de Montréal en 1994 et acquiert une double qualification au titre de professeur des universités en 1994.
Il a été lecteur titulaire à l’Université de Kumamoto de 1978 à 1980, lecteur titulaire à l’Université de Tokyo de 1980 à 1991, professeur adjoint, puis professeur associé à l’Université de Montréal de 1991 à 1995, professeur à l’Université Bordeaux-Montaigne de 1995 à 2007 et directeur du département d’études japonaises et chinoises. Il a été professeur invité à l’Université Seinan Gakuin en juin 1992, à l’Université de Ougadougou en juin 1993, au Colegio de Mexico en mars-avril 1994, à l’Université Autónoma de Madrid en avril-mai 2005, à l’Université Chûô de Tokyo en octobre 2012, et à l’Université Vysšaja Škola Ekonomiki de Moscou en avril 2012.
Portant tour à tour sur l’exégèse médiévale des mythes du Kojiki et du Nihon shoki, le régime diglosse des pratiques divinatoires anciennes, la construction du shintô de la période de Muromachi, la généalogie des courants vitalistes de la période d’Edo ou la transformation des catégories philosophiques chinoises par les penseurs japonais, les recherches d’AR trouvent leur cohérence générale et leur dénominateur commun dans l’analyse des phénomènes de ré-enchantement propres au syncrétisme religieux médiéval et pré-moderne. S’attachant à suivre les métamorphoses de la « théologie de la présence » qui inspire le discours shintologique de Jihen, Kitabatake Chikafusa, Imibe no Masamichi, Yoshida Kanetomo, Yoshikawa Koretari et Yamazaki Ansai, Alain Rocher s’efforce de montrer comment la thèse de l’immanence de la « nature divine » (shinsei) nourrit une théoglossie, une théandrie, et une théurgie aux applications multiples. Cet intérêt directeur connaît plusieurs modulations spécifiques en fonction des champs disciplinaires ou des foyers thématiques dans lesquels il s’exprime.
1) La question de l’herméneutique inspire des travaux qui font la lumière sur le passage de l’organon divinatoire des plastromanciens à l’exégèse allégorique de la genèse pratiquée dans la lignée Urabe.
2) Le thème de la résilience du religieux est au cœur des études consacrées a) au « retour » des régimes mantiques théoglosso-phaniques au sein de la morphologie de l’onmyôdô, b) à la naissance d’une deutéro-mythologie à partir de la période de Kamakura, c) à l’élaboration de l’hénothéisme yoshidien et, d) à l’histoire des thèses vitalistes entre Muromachi et Edo.
3) La question de la poétique du religieux prolonge naturellement ces recherches et elle permet de révéler l’imbrication des trois modèles qui l’inspirent : l’éthicocentrisme confucéen, la traduction littéraire de l’expérience de l’éveil (dans le bouddhisme) et l’ascèse théurgique (dans le shintô).
4) Le mécanisme de la « translation » est abordé à travers l’étude de l’assimilation et de la transformation des systèmes catégoriels bouddhistes, taoïstes et confucéens par le discours shintologique, qui les fait fonctionner ad usum theologiae (c’est dans ce sens qu’a été entamée une archéologie des mutations notionnelles: cheng/makoto, zhong/chû, jing/tsutsushimi, foxing/busshô, xin/shin, shen/shin).
5) Pour finir, l’analyse du syncrétisme japonais trouve à s’exprimer sur le mode technique dans des essais d’approche méréologique des ensembles catégoriels tri- ou tétra-glosses : une attention toute particulière est portée à la longue transition entre les syncrèses à base bouddhiste et les syncrèses à base néo-confucianiste, ainsi qu’à la morphologie de ces systèmes complexes.
Livres :
- Tradition et innovation en Chine et au Japon (coéd. avec Ch. LeBlanc), P.U.M./P.O.F., Montréal/Paris, 1996 (342 p.).
- Mythe et souveraineté au Japon, P.U.F., Paris, 1997 (320 p.).
- Nijô, Splendeur et misères d’une favorite (trad.annotée du Towazugatari), Picquier, Arles, 2004 (713 p.).
- La mythologie japonaise et ses interprétations (coéd.avec F. Macé), Cahiers d’Extrême-Asie n°23, E.F.E.O. à paraître en 2017.
Articles :
- « Un usage heuristique de la japonologie : l’histoire des religions », in La modernité française dans l’Asie littéraire (Katô H.dir.), P.U.F., Paris, 2004 (p.61-73).
- « Archéologie de la sincérité au Japon » in Le vrai et le vraisemblable (Le Bozec éd.), Revue des Sciences Humaines n°280.4, 2005, Lille (p.169-186).
- « La laïcisation dans la culture religieuse japonaise » in La laïcité et ses enjeux (Singaravélou éd.), P.U.B., Bordeaux, 2005 (p.179-198).
- « Variations jésuites sur quelques thèmes bouddhistes » in L'Extrême-Orient dans la culture européenne des XVIIème et XVIIIème siècles, Biblio17, Narr Verlag, Tübingen, 2009, (p.91-111).
- « Les anamorphoses de la raison divinatoire : formes et fonctions de l’ostéomancie dans l’espace eurasiatique », Journal asiatique, 2009-2, Paris, (p.442-506).
- « Le sauvetage philosophique de la tradition dans les cultures de l’Asie de l’est au seuil de la modernité », Revista de estudos chineses n°5, Lisbonne, 2010 (p.7-20).
- « La diversité des régimes divinatoires au Japon : conflit ou synthèse ? », in Deviner pour agir : regards comparatifs sur des pratiques divinatoires anciennes et contemporaines (J-L.Lambert et Guillem Olivier eds.), EMS, Nord Asie vol.3, EPHE, Paris, 2012 (p.237-261).
- « La voix des dieux et la voie du monde : le mythe japonais entre cosmogonie et cosmologie », in Récits de genèse (J-L.Breteau, M-J.Fontanier, F.Kopper, C.Mazellier-Lajarrige eds.), P.U.B., Bordeaux, 2012 (p.207-226).
- « Mythe et idéologie identitaire au Japon : généalogie d’un malentendu » in Nihon no aidenteitei wo shôchô suru mono, Kokusai Nihongaku kenkyûsôsho n°10, Hôsei daigaku, Tokyo, 2013 (p.1-28).
- « Les figures de l’autochtonie dans la mythologie japonaise », in Kokusai Nihongaku kenkyûsôsho n°11, Hôsei daigaku, Tokyo, 2014 (p.171-191).
- « Les deux sources du vitalisme dans la pensée d’Edo », in Seiyô kagaku no seimeikan to Nihon, Kokusai Nihongaku kenkyûsôsho, Hôsei daigaku, Tokyo, 2015 (p.1-30).