Milieu parisien, sans grande fortune, du XIVe arrondissement; père français, Charles Simon Gauthiot, et mère allemande, Augusta Wilhelmine Langerhans, issue d'une famille libérale et cultivée de Berlin.
Marié le 9 septembre 1900 avec Renée Antoinette Bouvard ; plusieurs enfants.
Bacherlier ès lettres, études en Sorbonne ; licencié ès lettres. Bilingue français-allemand, intéressé de bonne heure par les langues, il s'inscrit à l'EPHE, section SHP en novembre 1896, où il suit en particulier les conférences d'Antoine Meillet en grammaire comparée et en iranien ancien. Il devient membre de la Société de Linguistique de Paris à la fin de 1897. Après le service militaire et l'agrégation d'allemand (1898), il poursuit sa formation à l'EPHE, et effectue une mission d'enquête linguistique en Lituanie durant l'été 1900. Les matériaux recueillis sur un parler rural sont élaborés dans la thèse de l'EPHE, qui est acceptée le 30 juin 1901 (Le parler de Buividze) et publiée en 1903. Gauthiot a travaillé et publié, à partir de 1900, sur plusieurs langues indo-européennes et non indo-européennes. Ses travaux au Nord de l'Europe l'ont aussi conduit au Nord de la Russie et en Finlande, dans une perspective à la fois linguistique et ethnographique. Ses recherches de phonétique (notamment d'accentuation), d'une part, et ses travaux de déchiffrement des manuscrits dans une langue moyen-iranienne, le sogdien, se sont concrétisées par ses thèses déposées en vue du doctorat ès lettres, en 1913: La fin de mot en indo-européen (thèse principale, qui lui vaudra le prix Volney de l'Institut de France en 1914) et un Essai sur le vocalisme du sogdien, préfiguration d'une grammaire sogdienne, qui sera publiée à titre posthume.
1903-1905 : maître de conférences de grammaire comparée (nommé le 7 décembre 1903), aux côtés d'Antoine Meillet, directeur adjoint.
1905-1916 : directeur adjoint de grammaire comparée (nommé le 3 février 1906).
L'enseignement de Robert Gauthiot à la section SHP a concerné pour l'essentiel les langues germaniques (gotique, vieux-haut-allemand, vieux-norrois, vieil-anglais) du point de vue à la fois descriptif et comparatif. Il a traité aussi des faits phonétiques de la fin de mot en indo-européen (1906-1907), de la syntaxe germanique (1906-1907 et 1907-1908), de la flexion nominale en slave (1901-1910), du lituanien (1910-1911). A partir de 1910, il a consacré une partie de ses conférences au commentaire des fragments de textes bouddhiques retrouvés en Asie Centrale, en collaboration avec Antoine Meillet, Sylvain Lévi, Paul Pelliot et Jean Deny. De 1911-1912 à 1913-1914, il a assuré la conférence de langues iraniennes ("Zend et pehlvi"), dont le titulaire était Antoine Meillet, pour traiter des textes en sogdien bouddhique, du persan (explication du Shâh-nâma) et de textes avestiques.
En outre, dans le cadre de la section des Sciences religieuses, Robert Gauthiot a collaboré pendant 5 ans, à partir de 1906, à la conférence de Henri Hubert (1879-1927), directeur d'études des "Religions primitives de l'Europe" : explication de textes religieux tirés de l'Edda et du Kalevala, traditions populaires de la Russie septentrionale.
1900-1903: professeur agrégé d'allemand au Lycée de Tourcoing
du 11 avril au 30 septembre 1900, délégué pour l'enseignement de l'allemand au lycée Charlemagne, Paris.
Membre de la Société de Linguistique de Paris, élu le 4 décembre 1897, présenté par Louis Duvau et Antoine Meillet ; administrateur de la SLP à partir de 1905 (élu e 17 décembre 1904), puis administrateur-bibliothécaire à partir de 1908. Dans cette fonction, en plus de ses communications et interventions dans les séances de la SLP, Robert Gauthiot a signé un nombre important de comptes rendus dans le Bulletin de la Société de Linguistique de Paris.
Membre de la Société Asiatique, à partir de 1909.
Membre correspondant de la Société Finno-ougrienne (Suomalais-Ugrilainen Seura), Helsingfors/Helsinki, élu dans la séance du 2 décembre 1910.
Officier de réserve au 34e régiment d'infanterie, mobiisé en 1914, promu capitaine le 10 mai 1915. Au cours de l'offensive d'Artois, au printemps 1915, il est blessé à la tête par un obus ; par suite de la fracture du crâne, après plusieurs périodes de rémission (pendant lesquelles il écrit ses derniers arricles), il meurt à l'hôpital du Val-de-Grâce le 11 septembre 1916.
Les travaux de Robert Gauthiot relèvent de la linguistique indo-européenne et de la linguistique générale. Il est un des premiers, et un des plus brillants, disciples d'Antoine Meillet, précisément parce qu'il incarne dans son propre parcours cette double postulation, et la complémentarité féconde de ces deux axes. De plus, sa connaissance de première main de langues non indo-européennes (finno-ougrien, turc) lui a permis des travaux pionniers par leur dimensions typologique (le nombre duel, la phrase nominale). Noter que son enquête linguistique en Lituanie repose uniquement sur des documents oraux recueills par lui-même et transcrits phonétiquement. Dans la ligne de l'école linguistique de Paris, il s'est intéressé aussi aux faits de vocabulaire dans leur contexte social. Robert Gauthiot a été un théoricien de la reconstruction indo-européenne et de la comparaison typologique, en plus d'être un linguiste de terrain (notamment en Europe du Nord et en Asie Centrale iranienne). Il est un exemple de linguiste et philologue complet,, qui applique avec succès sa méthode à des domaines techniquement assez différents. Dans une aire précise, il reste comme un un pionnier des études iraniennes, sur deux plans. 1) Son travail de déchiffrement des manuscrits en sogdien, précisément en sogdien bouddhique, a été très efficace, en peu d'années; il a établi définitivement le système de transcription de l'alphabet sogdien. 2) Il a effectué deux missions d'enquête linguistique au Turkestan Russe, dans la vallée du Yaghnôb (Tadjikistan actuel) de juin à octobre 1913, puis dans les hautes vallées des Pamirs, aux confins du Tadjikistan et de l'Afghanistan actuel (Bartang, Roshan, etc.), où il a recueilli, entre juin et août 1914, des matériaux sur les langues iraniennes isolées, et non encore décrites, de cette région. Cette documentation lui a permis d'ouvrir des perspectives nouvelles sur la dialectologie et l'histoire des parlers iraniens. Il faut reconnaître que l'espoir de retrouver dans le yaghnôbî un descendant direct du sogdien médiéval s'est révélé illusore: la langue en question est désormais considérée comme un descendant collatéral du sogdien. Il n'empêche que les travaux de Gauthiot ont stimulé des enquêtes ultérieures. .
Livres
Le parler de Buividze. Essai de description d’un dialecte lituanien oriental. Paris : Bouillon, 1903 (Bibliothèque de l’École des Hautes Études. Sciences historiques et philologiques, n° 146)
La fin de mot en indo-européen. Paris : Geuthner, 1913.
Essai sur le vocalisme du sogdien. Paris : Geuthner, 1913, XVIII-113 pages. Repris avec révisions dans Essai de grammaire sogdienne.
Trois mémoires sur l’unité linguistique des parlers iraniens, Paris : Champion, 1916. Recueil des articles : « De l’accent d’intensité iranien », « De la réduction de la flexion nominale en iranien », « Du pluriel persan en -hā », extraits des MSL, tome 20
Essai de grammaire sogdienne. Première partie : Phonétique. Paris, Librairie Paul Geuthner, 1914-1923. Mission Pelliot en Asie Centrale, Série petit in-octavo, t. I.
(avec Paul Pelliot). Le Sûtra des Causes et des Effets du Bien et du Mal. Édité et traduit d’après les textes sogdien, chinois et tibétain. Paris : Geuthner, 1920-1926-1928. Mission Pelliot en Asie Centrale. Série in-quarto, II. Tome II : Transcription, traduction, commentaire et index.- 1er fascicule (1926), XI+101 pages : Texte sogdien en transcription et traduction, suivis d’un commentaire [d’après les notes de R. Gauthiot, révisées et complétées par A. Meillet et E. Benveniste], p. 1-32.
Articles représentatifs
« Note sur le degré zéro », in : Mélanges linguistiques offerts à M. Antoine Meillet par ses élèves, Paris : Klincksieck, 1902, p. 49-60.
« La phrase nominale en finno-ougrien », MSL 15, 1908-1909, p. 201-227
« Des noms de l’abeille et de la ruche en indo-européen et en finno-ougrien », MSL 16, 1910-1911, p. 264-279.
« De l’alphabet sogdien », JA, 10e série, t. XVII, janvier-février 1911, p. 81-95, avec deux planches.
« À propos des dix premiers noms de nombre en sogdien bouddhique », MSL 17, 1911-1912, p. 137-161.
« Du nombre duel », in : Festschrift Vilhelm Thomsen zur Vollendung des 60. Lebensjahres am 25. Januar 2012, dargebracht von Freunden und Schülern, Leipzig, Otto Harrassowitz, 1912, p. 127-133.
« Une version sogdienne du Vessantara Jātaka, publié en transcription et avec traduction », JA, 10e série, t. XIX, 1912, p. 163-193 (janvier-février 1912) et 428-510 (mai-juin 1912).
« Notes sur le yazgoulami, dialecte iranien des confins du Pamir », JA, 11e série, t. VII, mars-avril 1916, p. 239-270.
« Avestique mǝrǝzu- », MSL 18, 1913, p. 343-347.
« Quelques observations sur le mindjâni », MSL 19, 1916, p. 133-157.
Homme de gauche, membre du Parti socialiste français.
Antoine Meillet, "Robert Gauthiot", dans Annuaire de l'EPHE. Section SHP. Année 1915-1916, Paris, 1917, p. 51-61. Repris dans BSL 20, 1916, p. 127-132 et Linguistique historique et linguistique générale, t. II, Paris, 1936, p. 194-199.
Henri Cordier, "Nécrologie: Robert Gauthiot", T'oung Pao, N.S. 17 (2), Mai 1916, p. 265-267.
Georges-Jean Pinault, "Robert Gauthiot", in: François Pouillon (éd.), Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris: IISMM/Karthala,2008, p. 430-431.
Jean-Claude Muller, "Un centenaire: l'expédition de Robert Gauthiot dans la vallée du Yaghnôb (Tajikistan) en 1913 dans sa perspective linguistique et historique", Journal des Savants, Juillet-Décembre 2013, p. 309-366.