Second d’une fratrie de 4 enfants, Jacques Bacot naît et grandit dans une famille aisée : la famille Bacot, originaire de Tours, est une famille d’artisans et de commerçants. Le père de Jacques, Raymond David (1843-1917), est ingénieur en constructions navales et directeur de la manufacture d’Émaux de Briare ; sa mère, Marie-Louise Bapterosses (1848-1927), est fille de Jean-Félix Bapterosses (1813-1885), inventeur, industriel ainsi qu’homme politique. La famille Bacot est passionnée par les voyages et la découverte du monde. La maison Bacot est fréquentée par de célèbres explorateurs comme Savorgnan de Brazza. Mais c’est aussi la figure du grand-père paternel qui a exercé une grande influence sur Jacques : David César Joseph Bacot (1796-1857) est en effet un grand voyageur qui laisse derrière lui de nombreuses notes de voyages qui inspirent Jacques pendant toute sa vie et dès son premier tour du monde en 1904.
Son grand-père et son père sont tous deux membres de la Société de Géographie. Jacques le devient aussi en occupant même le poste de membre du bureau de la Société. C’est d’ailleurs la Société de Géographie qui le charge de sa mission au Tibet en 1906. Ce périple sur les marges sud-orientales du Tibet (Kunming, Dali, le pèlerinage du Dokerla et Batang) est le premier des nombreux voyages qui sillonnent la vie de Jacques Bacot.
Marié à Marguerite Thénard en 1913.
Aucune information n'est disponible sur l’éducation de Jacques Bacot avant les voyages du début du siècle qui le consacrent en tant qu’explorateur. Il assiste aux réunions de la Société de Géographie et c’est lors d’une de ces rencontres que, après avoir remarqué que le Tibet n’était qu’une tache blanche sur les cartes des explorations en Haute-Asie, il décide de partir pour le Tibet où il apprend le tibétain.
En 1908, de retour de l’un de ses voyages au Tibet, il commence à suivre à l'EPHE les cours de sanskrit et de tibétain de Sylvain Lévi, sous la direction duquel il obtient son diplôme en 1914, avec un travail ayant comme sujet la traduction tibétaine dialoguée du Vessantara-jatāka.
Chargé de conférence dans le cadre des conférences de Sylvain Lévi dès 1919, il est également chargé de cours de tibétain au sein des conférences de Louis Finot dès 1927.
D’après un rapport daté du 16 décembre 1935 et conservé dans les archives de l’EPHE, Jacques Bacot est nommé en tant que Directeur d’études pour remplacer Sylvain Lévi. Une chaire est nouvellement créée dans la section des Sciences Historiques et Philologiques de l'École : Histoire et philologie tibétaines. Dans une lettre datée du 10 juin 1938 et conservée aux archives de l’EPHE, Jacques Bacot annonce sa volonté de quitter le poste de Directeur d’études, qu’il avait accepté d’assumer de façon temporaire. Dans cette lettre il se dit « convaincu que la continuité de l’enseignement peut être définitivement assurée ». La chaire d’Histoire et philologie tibétaines passe alors sous la direction de Marcelle Lalou jusqu’en 1963.
Jacques Bacot est membre du bureau de la Société de Géographie. Il devient trésorier de la Société Asiatique et, en 1946, après le décès de Paul Pelliot, il en devient président jusqu’en 1954. A partir de 1947, il est également élu membre libre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Il fait par ailleurs partie du Conseil de la Société d’anthropologie et assume un poste de responsabilité scientifique dans la Revue d’Ethnographie.
A part les voyages (tour du monde, Tibet, Indochine, Inde, etc.) qui représentent une grande partie de ses intérêts et de sa vie, Jacques Bacot s’attèle à rédiger les récits de ses voyages (Dans les marches tibétaines, Le Tibet révolté) mais également ceux des autres explorateurs (Quelques réflexions sur des voyages au Tibet. (A propos de Sven Hedin et Savage Landor)). Ayant appris le tibétain auprès d’un moine bon-po pendant son deuxième voyage au Tibet, il se consacre plus particulièrement à la traduction de textes tibétains (Vie du poète tibétain Milarepa. Ses crimes, ses épreuves, son nirvana, et aussi La vie de Marpa le traducteur) et à l’enseignement ainsi qu’à l’étude de la grammaire du tibétain ; il s’intéresse en particulier au tibétain classique et littéraire, ce qui l’amène à la publication des Slokas grammaticaux de Thon-mi Sambhota ou, encore, à la composition de la première Grammaire de tibétain littéraire en deux volumes. Sa passion pour la langue tibétaine ancienne se traduit également dans son intérêt pour les manuscrits tibétains de Dunhuang rapportés en France par Paul Pelliot en 1909. D’abord tout seul, puis avec la collaboration de Marcelle Lalou, Jacques Bacot est le premier savant à se consacrer, dès les années 1920, au catalogage de ces documents. La familiarité et la compétence qu’il acquiert en étudiant ces documents anciens le portent à composer, avec Frédéric William Thomas et Charles Toussaint la première traduction pionnière des documents tibétain de Dunhuang non-bouddhiques, connus sous les noms de « Les Annales », « La Chronique », et « La Généalogie » (Documents de Touen-Houang relatifs à l’histoire du Tibet) et des articles sur les Tibet de l’époque impériale (« Le mariage chinois du roi Srong bcan gam po » et « Reconnaissance en Haute-Asie septentrionale par 5 envoyés ouigours au VIII siècle »). Jacques Bacot s’intéresse également au bouddhisme (Le Bouddha) en se concentrant surtout sur les traditions qui se sont rassemblées autour du nom du Bouddha et de l’aspect mystique du Bouddhisme, comme le rappelle Marcelle Lalou dans sa nécrologie de 1967-1968. C’est justement avec Marcelle Lalou que Jacques Bacot collabora durant de longues années, d’abord à la Bibliothèque nationale de France pendant le travail sur le catalogage des manuscrits tibétains de Dunhuang, puis à la Société Asiatique.
– Dans les marches tibétaines, autour du Dokerla (Novembre 1906-Janvier 1908), Paris : Plon-Nourrit et Cie, 1909, 217 p.
– Le Tibet révolté : vers Népémakô, la Terre promise des Tibétains, suivi de Impressions d’un Tibétain en France, Paris : Hachette, 1912, 364 p.
– Avec Edouard Chavannes, Les Mo-so : ethnographie des Mo-So, leurs religions, leur langue et leur écriture, avec les documents historiques et géographiques relatifs à Li-Kiang, Leiden : Brill, 1913, 218 p.
– Représentations théâtrales dans les monastères du Thibet. Trois mystères tibétains : Tchrimekundan, Djroazanmo, Nansal, Paris : Bossard, 1921, 298 p.
– Le poète tibétain Milarépa. Ses crimes, ses épreuves, son nirvana, Paris : Bossard, 1925, 302 p.
– Une grammaire tibétaine du tibétain classique. Les Slokas grammaticaux de Thon Mi Sambhota avec leurs commentaires, Paris : Paul Geuthner, 1928, 234 p.
– La vie de Marpa, suivi d’un chapitre de l’Avadana de l’oiseau Nilakantha, Paris : Paul Geuthner, 1937, 116 p.
Avec F. W. Thomas et G. Toussaint, Documents de Touen-Houang relatifs à l’histoire du Tibet, Paris : Annales du Musée Guimet, 1940-1946, 207 p.
– Grammaire du Tibétain littéraire, 2 vol., Paris : Adrien Maisonneuve, 1946.
– Introduction à l’histoire du Tibet, Paris : Société Asiatique, 1962, 138 p.
– « Anthropologie du Tibet, les Populations du Tibet Sud-Oriental. », Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, 5e série, t. 9 (1908-, p. 462-473.
– « Le pèlerinage du Dokerla », La Géographie (1908), p. 415-420.
– « À travers le Tibet Oriental », T’oung Pao, 12 (1911), p. 262-267.
– « L’Art Tibétain », Annales du Musée Guimet, Bibliothèque de Vulgarisation du Musée Guimet (Paris), t. 34 (1911), p. 191-220.
– « Les populations du Tibet Oriental », Revue d’Ethnographie et de Sociologie, III, 5-8 (1912), p. 203-210.
– « L’Écriture cursive tibétaine », Journal Asiatique, 10e série, t. 19 (1912), p. 5-78.
– « Exploration du Capitaine F. M. Bailey au Tibet », La Géographie 36 (1912), p. 214-215.
– « Drimekunden. Une version tibétaine du Vessantara Jataka », Journal Asiatique, 11e série, t. 4 (1914), p. 221-305.
– « Le mariage chinois du roi Srong bcan gam po », Mélanges Chinois et Bouddhiques, vol. III, 1934-1935, p. 1-61.
– « Titres et colophons d’ouvrages non-canoniques tibétains, textes et traductions », Bulletin de l’École Française d’Extrême-Orient, t. 44-2 (1947-1950), p. 275-337.
– « Chine et Tibet », Revue de Paris 57 (1950), p. 112-127.
– « Reconnaissance en Haute-Asie septentrionale par 5 envoyés ouigours au VIIIIe siècle », Journal Asiatique, vol. 244-2 (1956), p. 137-153.
Mobilisé en août 1914 dans le 70e régiment d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale en tant que sergent, sous-lieutenant (1915), et lieutenant (1917), Jacques Bacot participe à la bataille de Verdun où il est grièvement blessé. Il est décoré de la Croix de Guerre. En 1917 il part avec la mission française en Sibérie sous la conduite de Paul Pelliot.
Georges Coedes, « Jacques Bacot (1877-1965) », Journal Asiatique, CCLIII, fasc. 3-4 (1965) p. 411-413.
Raymond Lebègue, « Eloge funèbre de M. Jacques Bacot, membre libre de l’Académie. » Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 109e année, n. 2 (1965), p. 307-312.
Marcelle Lalou, « Jacques Bacot (1877-1965) », Ecole Pratique des Hautes Etudes. 4e section, Sciences historiques et philologique. Annuaire 1967-1968 (1968), p. 46-54.
Samuel Thévoz, Un horizon infini. Explorateurs et voyageurs français au Tibet (1846-1912), Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2010.