Les Indiens de la plaine et de la forêt, par opposition aux hautes cultures du Mexique et du Pérou, représentent un immense réservoir de mythes en Amérique du sud. La méthode et les résultats découlant d’analyses de mythes des Indiens Pueblo (Nouveau Mexique et Arizona), Tacana (Bolivie), Toba et Mataco (Chaco) ont constitué la base d’un enseignement d’Introduction à l’anthropologie religieuse.
Le problème de la correspondance existant entre des mythes indiens et des représentations similaires chez les Européens du XVIe siècle est l’une des questions que posent les premiers contacts entre observateurs et observés. Tel est le cas de la croyance dans l’existence fabuleuse d’un peuple de géants. Passant d’une société orale à une société historique ce peuple mythique change alors de nature quand les descriptions des voyageurs contemporains l’inscrivent dans la réalité, en Patagonie, en le soumettant à la volonté de savoir quel est le vrai sous la fable. L’intérêt d‘une enquête historiographique suivant les transformations de ce thème consiste à comprendre ce qu’il advient de la notion d’espèce humaine quand, avec la découverte du continent américain jusque-là ignoré de l’oekoumène, l’unité adamique s’est fractionnée en une multiplicité de peuples ignorant la parole de Dieu. La notion de variété humaine prend forme en se projetant dans la forme massive du corps des indiens de Patagonie qui caractérise non seulement des individus isolés mais bien tout un peuple. Elle constitue alors pour les contemporains un témoignage décisif en faveur de l’interprétation littérale des géants de Genèse VI, 4. Dans une vaste confrontation où les arguments théologiques sont relayés par des arguments naturalistes ce peuple des confins de l’Amérique vient se placer en avant-poste d’une nouvelle interrogation sur ce qu’il en est du rapport entre variété et espèce. Ces discussions qui vont occuper toute la pensée occidentale moderne aboutissent au XIXe siècle à inscrire l’homme dans les classifications naturelles ouvrant la voie aux théories « scientifiques » du racisme. Les représentations historiques de la stature gigantesque de ces hommes sont en effet au départ d’une trajectoire qui, de l’homme biblique à l’homme zoologique, s’inscrit au centre des débats portant sur la part respective revenant au naturel et au culturel dans la diversité humaine. Débat toujours repris et qui à l’heure actuelle, avec les avancées de la biologie épigénétique, concerne directement la ligne de partage entre anthropologie et biologie. En définitive le thème des géants patagons, transgressant les barrières disciplinaires en passant d’une problématique religieuse à une problématique naturaliste, opère un glissement en direction d’une interrogation logée au cœur de nos propres systèmes de pensée.
« Mythe de Jurupari. Introduction à une analyse », L'Homme VII.1 (1967), p 50-66.
« Le sel de la terre », in Échanges et communications. Mélanges offerts à Claude Lévi-Strauss (J. Pouillon éd.), Paris : Mouton (1970), p. 1327-1330.
« Introduction » in L. Sebag, L'Invention du monde chez les Indiens pueblos, Paris, Maspero (1971), p. 13-20.
« Les voies du chamane », L'Homme XIII. 3 (1973), p. 82-92.
« Les avatars mythiques du poison de pêche », L'Homme XXIII. 1 (1983), p. 45-59.
« Tous sauf un. Le sens de la mesure dans les mythes Toba et Mataco du Chaco sudaméricain », Les Temps modernes (1984), p. 1264-1283.
« Les géants Patagons ou l'espace retrouvé. Les débuts de la cartographie américaniste », L'Homme XXVIII 2-3 (1988), p. 156-173.
« Mammouths et Patagons : de l'espèce à la race dans l'Amérique de Buffon », L'Homme XXXI.3 (1991), p. 7-21.
« Un trickster chez les naturalistes : la notion d'hybride », Ethnologie française, 23.1 (1993), p. 144-152.
« L'Homme zoologique. Races et racisme chez les naturalistes de la première moitié du XIXe siècle », L'Homme XXXV.1 (1995), p. 9-32.
« De la sensibilité des sauvages à l'époque romantique », L'Homme 145 (1998), p. 143-168.
« Raison et sentiments chez Darwin », préface à Ch. Darwin, L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux, Éditions du CTHS (1998), p. VII-LIII.
« Présentation » du dossier « Observer, nommer, classer », L'Homme n° 153 (janv.-mars 2000), p. 27-35.
« Le déplacement de l'intentionnalité chez Darwin », in « Observer, nommer, classer », L'Homme n° 153 (janv.-mars 2000), p. 107-123.
« De Haeckel à Freud : la théorie de la récapitulation », Topique. Revue Freudienne, n° 75 (2001), p.13-34.
« L'oral et l'écrit de Franz Boas à Claude Lévi-Strauss », Gradhiva. Revue d’Histoire et d’Archives de l’Anthropologie n° 30 (2001), p. 15-30.
Monographie
Les Géants patagons. Voyage aux origines de l’homme, Paris : Michalon, 1995.