Back to top
Nom Lévi
Prénom Sylvain
Naissance Paris (France) (28 mars 1863)
Décès Paris (France) (30 octobre 1935)
Sections
Sciences historiques et philologiques
Sciences religieuses
Statuts et fonctions
Directeur d'études
Président de section
Distinction Officier dans l'Ordre de la Légion d'honneur
Origines familiales

Les lignées paternelle et maternelle de Sylvain Lévi sont originaires du Bas-Rhin, alsacienne pour les Lévi, alsacienne et lorraine pour les Bloch. Par sa mère, née Bloch, Sylvain Lévi est apparenté à la famille des Alexandre-Jacob, illustrée par le poète Max Jacob, qui fut très proche de Sylvain Lévi et de son épouse. Lévi renforce ses liens de parenté avec les Bloch, puisqu'il épouse sa cousine, Désirée Bloch, fille de son oncle maternel. Les actes d'état civil attestent la double orthographe du patronyme paternel, Lévy ou Lévi, probablement fixé comme Lévi, avec l'arrivée du père de Sylvain Lévi, Louis-Philippe, à Paris (probablement entre 1835 et 1850). Quand il épouse Pauline Bloch en 1858, Louis-Philippe Lévi demeure rue Simon-le-Franc, où il est marchand de drap. SL naît en 1863, second d'une fratrie de trois enfants.

Situation de famille

En juin 1889, il épouse Désirée Bloch, sa cousine croisée matrilatérale.

Études et formations

En 1873, Sylvain Lévi entre en classe de 6e au Lycée Charlemagne (Paris IVe) et suit des études classiques. Il s’y montre un élève brillant. En 1881, il obtient son baccalauréat de philosophie. Refusé, la même année, au concours d'entrée à l'École normale supérieure (au prétexte de son jeune âge : 18 ans), il prépare seul l'agrégation des lettres, à laquelle il est reçu second en 1883 – il a vingt ans. A la rentrée 1883-1884, il est allocataire de recherche à la IVe section de l’EPHE, où il suit le cours de langue sanscrite d’Abel Bergaigne, moment déterminant dans sa carrière. Il assiste également aux cours de grammaire comparée de Michel Bréal et de Ferdinand de Saussure ainsi que les conférences de James Darmesteter sur la langue zend, le persan et le pehlevi. Il enseigne au même moment au Talmud-Torah, l’école élémentaire attachée au séminaire israélite de la rue Vauquelin. C’est le début d’un engagement de toute une vie. En 1884, grâce à une bourse de la ville de Paris, il effectue une mission d’études dans les bibliothèques de Londres et d’Oxford pour travailler à sa thèse sur le théâtre indien. A la rentrée 1885-1886, il est nommé maître de conférences pour la langue sanscrite à la Ive section de l’EPHE, et, l’année suivante, il est maître de conférences pour les religions de l’Inde, à la Ve section, nouvellement créée. Parallèlement, à partir de 1889, succédant à Bergaigne, il enseigne à la Sorbonne comme chargé de cours de langue et littérature sanscrite (jusqu’en 1893). En 1890, il soutient avec succès son doctorat d’état ès lettres : thèse principale : « Le théâtre indien » ; thèse secondaire : « Quid de Graecis veterum Indorum monumenta tradiderint ». Sa formation et ses études ne s’arrêtent pas à l’obtention de son doctorat en études indiennes. Outre d’autres langues indo-européennes, dont le tokharien, il apprend le népali, le chinois, le tibétain, le japonais, le turc. Etienne Lamotte observe : « […] si paradoxal que cela paraisse, c’est la connaissance des sources étrangères qui lui valut une place de choix parmi les indianistes de son temps. »

Parcours professionnel, responsabilité à l'EPHE

Sylvain Lévi commence sa carrière universitaire à l'EPHE, IVe section, où il est d'abord allocataire, et suit le cours de sanscrit d'Abel Bergaigne (1883-1884). A la rentrée 1885-1886, il est maître de conférences pour la langue sanscrite à la IVe section de l’EPHE. Une Ve section consacrée aux sciences religieuses étant créée à l'EPHE l’année suivante (1886-1887), il y est maître de conférences pour les religions de l’Inde. En 1894, l'année où il est élu professeur au Collège de France, il est élu directeur adjoint d'études à la IVe section de l'EPHE et directeur d'études pour les religions de l’Inde, à la Ve section. Ses successeurs à la Ve section maintiendront cet intitulé. En 1923, il est Président de la Ve section de l'EPHE.

Parcours professionnel hors EPHE

A partir de 1889, parallèlement à sa charge de maître de conférences pour les religions de l'Inde à la IVe section de l'EPHE, il succède à Abel Bergaigne, à la Sorbonne, comme chargé de cours de langue et littérature sanscrite (jusqu'en 1893). En 1894 (il a 31 ans), il est élu professeur titulaire de la chaire de langue et littérature sanscrite du Collège de France. Soucieux d'apporter sa contribution à l'Alsace recouvrée, il enseigne à l'université de Strasbourg comme « directeur des études orientales », pendant l'année universitaire 1919-1920 et le premier semestre de l'année 1920-1921. Le faible nombre d'étudiants et le relatif isolement de son enseignement en scellent la fermeture. Publication posthume de ces conférences dans L'Inde civilisatrice, 1938.

Domaines de recherches

Agrégé des lettres en 1883, Lévi s'initie à la grammaire comparée des langues indo-européennes, au sanskrit, aux langues iraniennes. Sa carrière universitaire est d'abord celle d'un indianiste : maître de conférences (1885), puis directeur d'études (1894) à l'EPHE. La même année, il est élu au Collège de France sur une chaire d'indianisme. Entre-temps, il a soutenu sa thèse sur le « Théâtre indien », en 1890. Il multiplie les compétences (philologue, linguiste, épigraphiste, numismate, philosophe, historien, historien de l’art) et l’apprentissage des langues. Il sait le pâli, les idiomes moyen-indiens, les langues de l’Iran, le népali, le chinois (commencé en 1890), le tibétain (maîtrisé dès 1894), le japonais et l’ouïgour et se forme au turc. En 1913, à Saint-Pétersbourg, il étudie les manuscrits tokhariens et participe à un projet d’édition et de traduction d’un texte bouddhique, dans sa version en ouïgour. A ses premiers champs d’intérêt, l’Inde brahmanique et classique, il a très tôt ajouté le bouddhisme auquel l’avaient introduit, en 1887, deux de ses étudiants japonais. Son intérêt pour l'Inde s'étend bien au-delà d’elle. Plusieurs missions le mènent deux fois en Inde (en 1897, puis, de 1921 à 1923, au Bengale, où il rencontre Tagore), trois fois au Népal (1897, 1921 et 1928), trois fois au Japon (1897, 1921 et 1927-28), deux fois en Indochine (1887 et 1921), une fois à Java et Bali (en 1928, au retour du Japon). Missions au cours desquelles il collecte les « Matériaux » (manuscrits, estampages, etc.) destinés à bâtir d’amples synthèses, ou met en place (en 1927) le projet du Höbögirin, encyclopédie bouddhique que continue Jean-Noël Robert. Pendant ces voyages, il continue d’enseigner, en Inde, à Shantiniketan (en 1921-22), et au Japon (en 1922 et 1927-28), où il donne des cours de sanskrit et de koutchéen. Cet indophile, conversant en sanskrit, consulte les pandits et va jusqu’à les initier au « mantra des études tibétaines ». Il est aussi le premier indianiste occidental à publier en Inde (Sanskrit texts from Bâli). Un découvreur et un déchiffreur qui a le génie de la « divination » (Bloch). Ouvert aux trouvailles, qu’il nomme des « rencontres », il reconnaît, dans les bas-reliefs de Borobudur, la transposition de récits bouddhiques, et, dans les récitations des prêtres balinais, les passages d’une Upanisad. Un explorateur dont les missions sont des périples qui, au retour, passent par la Russie – impériale, en 1897, soviétique en 1923. Il instaure des liens étroits avec les intellectuels russes, dont Sergey Oldenburg. Inlassable bâtisseur institutionnel, il contribue, en 1898, à la création de l’EFEO, en 1924, à celle de la Maison Franco-japonaise, à Tôkyô, et, en 1927, à la fondation de l’Institut de civilisation indienne, à Paris. En 1934, il est vice-président de l’Institut d’études japonaises, à Paris.

Publications principales

Ouvrages

- Le théâtre indien, Paris : Champion (BEHE, SHP 83) 1890 ; 2e tirage, 1963.

- La doctrine du sacrifice dans les Brāhmaṇas, Paris : E. Leroux (BEHE, SR), 1898 ; 2e réédition : Turnhout : Brepols (BEHE, SR 118), 2003.

- Le Népal, étude historique d’un royaume hindou, Paris : E. Leroux (Annales du Musée Guimet), 3 vol., 1905-1908.

- Asaṅga. Mahāyāna-Sūtrālaṃkāra, exposé de la doctrine du Grand Véhicule selon le système Yogācāra, t.1, Paris : Champion, 1907 ; t. 2, ibid., 1911.

- L’Inde et le monde, Paris : Champion, 1928. 

- Vijñaptimātratāsiddhi. Deux traités de Vasubandhu. Viṃśatikā […] et Triṃśikā […], t. 1, Paris : Champion (BEHE, SHP 245), 1925 ; t. 2, publié comme : Un système de philosophie bouddhique. Matériaux pour l’étude du système Vijñaptimātra, Paris : Champion (BEHE, SHP 260), 1932.

- Mahākarmavibhaṅga (la grande classification des actes) et Karmavibhaṅgopadeśa (discussion sur le Mahākarmavibhaṅga), Textes sanscrits rapportés du Népal, édités et traduits avec les textes parallèles en sanscrit, en pāli, en tibétain, en chinois et en koutchéen. Ouvrage illustré de quatre planches : le  Karmavibhaṅga sur les bas-reliefs de Boro-Budur, à Java, Paris : E. Leroux, 1932.

- Sanskrits texts from Bâli, Baroda : Gaekwad’s Oriental Series, 1933.

- Fragments de textes koutchéens […] publiés et traduits avec un vocabulaire et une introduction sur le « Tokharien », Paris : Société asiatique, 1933.

- Mémorial Sylvain Lévi, Paris : Hartmann, 1937 (en fait une anthologie de textes du dédicataire ; voir Hommages).

- L’Inde civilisatrice, Paris, Publ. de l’Institut de civilisation indienne : A. Maisonneuve, 1938 ; publ. posthume des conférences de Strasbourg.

Articles

- « Le théâtre indien à Paris », Revue de Paris (janv.-fév. 1895), p. 818-829.

- « Sur quelques termes employés dans les inscriptions des Kṣatrapas », JA (janv.-fév. 1902), p. 94-125.

- « Açvaghoṣa, le Sûtrâlaṃkâra et ses sources », JA (juillet-août 1908), p. 57-193.

- « Étude des documents tokhariens de la mission Pelliot ». I , JA, t. 17 (mai-juin 1911), p. 431-464 ; II., JA, t. 18 (juillet-août 2011), p. 119-150.

- (avec A. Meillet) « Remarques sur les formes grammaticales de quelques textes en Tokharien B. I. Formes verbales», MSL, 18, 1912, p. 1-33 — II. Formes nominales », MSL, 18, 1912, p. 381-421.

- « Le “tokharien B”, langue de Koutcha », JA (sept-oct. 1913), p. 311-380.

- « L’Indianisme », La Science française, Paris, Larousse, 1915 ; nouvelle éd., ibid ., 1933.

- « Deux nouveaux traités de dramaturgie indienne », JA (oct.-déc. 1923), p. 193-218.

- « Kaniṣka et Śātavāhana, deux figures symboliques de l’Inde au premier siècle », JA (janv.-mars 1936), p.  61-121; posthume.

Engagements

L’un des grands intellectuels juifs français de son temps, Sylvain Lévi s’est attaché, sa vie entière, à mener parallèlement l’étude scientifique des sources judaïques et l’engagement civique pour la défense des droits des juifs, en France et dans le monde. Homme d’action autant que d’étude, il adhère, en 1885, à la Société des études juives, dont il est le président en 1903-1904. En 1898, il adresse à la Ligue pour la défense des droits de l’homme et du citoyen une lettre publique en faveur du capitaine Dreyfus. La même année, il entre au comité central de l’Alliance israélite universelle, à Paris, dont il est le président de 1920 à sa mort. Il conçoit cet engagement comme la contrepartie politique de l’humanisme fervent qui s’exprime dans son œuvre scientifique comme dans sa vie. A la fin de la première guerre mondiale, il s’investit dans les débats sur la question de la Palestine. Membre du Comité français d’études sionistes, il est dépêché en Orient (Egypte, Syrie, Palestine), en 1918, puis aux Etats-Unis, afin de connaître la position des milieux juifs américains. En 1919, à la commission des affaires de Palestine, au sein de la Conférence de la paix de Versailles, il se déclare défavorable à la fondation d’un foyer national juif en Palestine. Position antisioniste qu’il défend ensuite au sein de l’Alliance au nom de la priorité qu’il donne à son combat humaniste et républicain pour une pleine citoyenneté des juifs français et occidentaux. Inlassable sentinelle, il prononce, en 1933, une allocution au Palais du Trocadéro, « La protestation de la France contre la persécution antisémite », qui dénonce les attaques dont sont victimes les intellectuels juifs allemands. Il meurt lors d’une séance de l’Alliance israélite universelle, le 30 octobre 1935.

Volumes d'hommage

- En 1911, à l’occasion du 25e anniversaire de son enseignement, ses élèves lui offrent un recueil d’articles (il a 48 ans) : Mélanges d’indianisme offerts par ses élèves à M. Sylvain Lévi, le 29 janvier 1911 à l’occasion des vingt-cinq ans écoulés depuis son entrée à l’École pratique des hautes études, Paris : E. Leroux, 1911.

- Sylvain Lévi, Rapport de l’Institut de civilisation indienne, Paris, 1936 (premier hommage après sa mort).

- Louis Renou, « Sylvain Lévi et son œuvre scientifique », Paris, JA, t. 28, 1936 (repris dans Mémorial).

- Sylvain Lévi et son œuvre, Tôkyô, Bulletin de la Maison Franco-japonaise, t. 8, 1936.

- Jules Bloch,  Sylvain Lévi et la linguistique indienne, Paris : Adrien Maisonneuve, 1937 (leçon inaugurale prononcée au Collège de France, le 13 avril 1937).

- Mémorial Sylvain Lévi, Paris, Hartmann, 1937 (réédité par E. Franco, Motilal Banarsidass, Delhi, 1996, augmenté de la bibliographie de Sylvain Lévi par Maurice Maschino et d’un index par Nadine Stchoupak) — livre d’hommage qui, renonçant au genre des Mélanges, est une anthologie de textes du dédicataire « égarés dans des recueils introuvables ».

- Hommage à Sylvain Lévi pour le centenaire de sa naissance (1963), Paris, Institut de civilisation indienne, 1964.

Publications au sujet de la personne

- Alfred Foucher, "Sylvain Lévi", École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire 1936-1937. 1935. p. 17-23.

 - Jules Bloch, "Sylvain Lévi", École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques. Annuaire 1937-1938. 1937. p. 39-43.

- Jules Bloch, notice nécrologique de Sylvain Lévi, Paris, L’Univers israélite (9 novembre 1935), p. 99.

- G. M. Bongard-Levin, R. Lardinois, A. A. Vigasin, Correspondances orientalistes entre Paris et Saint-Pétersbourg (1887-1935), Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres (“Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres” 26), 2002.

- G. M. Bongard-Levin, R. Lardinois, A. A. Vigasin, « Deux indianistes dans la cité. Portraits croisés de Sylvain Lévi (1863-1935) et de Sergej F. Ol’denburg (1863-1934) », Paris, Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 2002.

- Lyne Bansat-Boudon et Roland Lardinois, Sylvain Lévi (1863-1935). Études indiennes, histoire sociale. Actes du colloque tenu à Paris les 8-10 octobre 2003, Turnhout : Brepols (Bibl. de l’École des hautes études, sciences religieuses, 130), 2007, 536 p. Plusieurs descendants de SL, dont sa petite-fille, Mme Catherine Vermeil, entourée de ses petits-enfants, ont assisté au colloque.

- Claude Ravelet et Pierre Swiggers (dir.), Trois linguistes (trop) oubliés : Antoine Meillet, Sylvain Lévi, Ferdinand Brunot (Actes des Journées d'études, IMEC, Abbaye d'Ardenne, Caen, 15-17 septembre 2008), Paris, L'Harmattan, 2010.

Auteur de la notice
Lyne Bansat-Boudon
Mise à jour
 le 16 mars 2018 - 10:11