père employé des Chemins de fer PLM
Il épouse en juin 1919 Marie Terrien, enseignante dans le secondaire.
Elève au lycée Mignet d’Aix-en-Provence puis au Lycée Louis-le Grand à Paris, plusieurs fois lauréat du Concours général, il intègre l’École normale supérieure en 1904. Il y suit ainsi qu’à la Sorbonne les cours d’Émile Durkheim et rejoint le groupe des sociologues. Agrégé d’histoire (1907), licencié en droit (1908), il enseigne au lycée de Bastia avant d’être nommé pensionnaire de la Fondation Thiers de 1908 à 1911 où il retrouve ses condisciples Louis Gernet et Marc Bloch. Travaillant comme ce dernier sur la société féodale, il entend ouvrir une perspective comparative sous l’influence d’Henri Hertz et de Marcel Mauss. Après un intérêt pour la féodalité japonaise, il est orienté vers l’histoire ancienne de la Chine par Edouard Chavannes dont il suit l’enseignement à l’EPHE et au Collège de France, en même temps qu’il prend des cours de langue chinoise à l’École des Langues Orientales. Une bourse du Ministère de l’Education lui permet de séjourner, à partir d’août 1911, un an et demi à Pékin où il est témoin de la première révolution chinoise. A son retour en novembre 1913, il est nommé, à 29 ans, directeur d’études à l’EPHE en remplacement de Chavannes. En janvier 1920, il soutient ses deux thèses (La polygynie sororale ; Fêtes et chansons anciennes de la Chine).
Directeur d’études : 1913-1940, avec une interruption entre décembre 1914 et juillet 1919 (mobilisation sur le front français puis affectation en Sibérie, et mission de trois mois à Pékin en 1919 qui constitue son dernier séjour en Chine).
Président de la section des Sciences religieuses en novembre 1940 en remplacement de Marcel Mauss démissionnaire en raison des lois antisémites.
Chargé de cours de civilisation chinoise, puis Maître de conférences à la Sorbonne, 1920-1926
Professeur à l’Ecole des Langues Orientales, 1926-1940
Administrateur de l’Institut des Hautes Etudes Chinoises de l’Université de Paris, 1927-1940.
Vice-Président, puis Président de l’Institut français de Sociologie en 1930.
C’est par un véritable coup de force que Granet s’impose dans les études chinoises, faisant paraître en 1912, alors qu’il est à Pékin, une lecture de l’antique Shijing (Livre des odes) qui prend comme à revers des siècles de commentaires lettrés et s’affranchit de toute philologie orientaliste. Pratiquant une archéologie textuelle avant la lettre, il fait voir derrière des poésies de cour à caractère édifiant la présence de chants alternés très libres qu’il rapporte à une société paysanne archaïque. Dès lors, il s’attaque à de vastes corpus de la documentation chinoise ancienne selon une méthode d’analyse qu’il ne cesse d’affiner. Compilant et comparant des textes pouvant varier d’époque et de genre (Classiques, rituels, textes taoïstes, etc.), il fait ressortir des strates et des constellations de thèmes récurrents, qu’il s’agisse de fragments de légendes éparpillés ou de références à des rites et à des milieux sociaux, occultés à la période classique, dont il tente la reconstitution avec une minutie quasi ethnographique. Son travail analytique sur les textes anciens lui fait concevoir des synthèses originales, restées célèbres, sur la civilisation chinoise (1929), qu’il envisage comme la formation progressive d’un système de cohésion sociale spécifique plutôt que comme une histoire ; ainsi que sur la pensée chinoise (1934), dont il montre la structuration en termes d’idées directrices fondamentales partagées par tous les courants religieux et philosophiques. Pour Granet, la Chine doit être comprise comme une totalité, système social et symbolique cohérent qui a engendré des attitudes morales durables. Bien que resté attaché à la perspective d’évolutionnisme social de Durkheim, Granet est avant tout un proche de Marcel Mauss dont il sera le compagnon de route fidèle à l’EPHE comme à l’Institut français de Sociologie.
L’œuvre de Granet, quoique critiquée par certains historiens lui reprochant son dédain de la chronologie et sa non considération des résultats de l’archéologie disponibles à son époque, reste influente dans le champ des études chinoises, y compris en Chine même où elle fait l’objet de nouvelles traductions. Des historiens des religions, spécialistes du taoïsme notamment, et des ethnologues de l’Asie orientale se sont inscrits directement dans sa filiation (voir parmi les orientalistes de l’EPHE : Edouard Mestre, Rolf A. Stein, Max Kaltenmark). Mais c’est en anthropologie que son œuvre a eu les plus fortes répercussions. D’une part, à travers l’influence directe que Granet exerça sur certains de ses auditeurs, sur André Leroi-Gourhan et surtout sur Georges Dumézil, parmi les plus renommés. D’autre part, du fait que sa méthode et ses analyses, tant dans le domaine de la mythologie que dans celui de la parenté, ont été largement reprises et prolongées par Claude Lévi-Strauss, faisant rétrospectivement regarder les travaux de Granet comme une anticipation de l’anthropologie structurale.
Publications principales
Fêtes et chansons anciennes de la Chine, Paris, 1919, Leroux, 305 p.; rééd. 1982, Albin Michel.
La polygynie sororale et le sororat dans la Chine féodale, Paris, 1920, Leroux, 62 p. (repris in Études sociologiques, 1953).
La Religion des Chinois, Paris, 1922, Gauthier-Villars, 176 p. ; rééd. 1980, Imago-Payot.
Danses et légendes de la Chine ancienne (2 vol.), Paris, 1926, Alcan (coll. des Travaux de l'Année sociologique), 710 p.; rééd. 1959, PUF.
La Civilisation chinoise, Paris, 1929, La Renaissance du livre (coll. L'Évolution de l'humanité), 523 p.; plusieurs rééditions Albin Michel depuis 1968.
La Pensée chinoise, Paris, 1934, La Renaissance du livre (coll. L'Évolution de l'humanité), 523 p.; plusieurs rééditions Albin Michel depuis 1968.
Catégories matrimoniales et relations de proximité dans la Chine ancienne, Paris, 1939, Annales sociologiques série B 1-3, Alcan, 254 p.
publications posthumes
La Féodalité chinoise, Oslo, 1952, ISK, 219 p. ; réed. Paris, 1981 ; Imago-Payot.
Études sociologiques sur la Chine, Paris, 1953, PUF, 304 p. ; rééd. 1990.
Marcel Granet participe, alors qu’il est étudiant, au groupe des « Cahiers du Socialiste » animé par Robert Hertz. Plus tard, il est membre du Comité d’action antifasciste et de vigilance. « Il mourut de colère, écrira Paul Demiéville, lors de l’invasion de la France par les armées allemandes » – ce fut plus précisément après une violente altercation fin novembre 1940 avec le ministre de l’Education nationale récemment nommé par Vichy. Après sa mort, son épouse s’engagera activement dans la résistance et en écrira l’histoire (Marie Granet : Combat, 1957 ; Défense de la France, 1960 ; Ceux de la résistance, 1964).
« Hommage à Marcel Granet », Études chinoises. Bulletin de l’Association française d’études chinoises, Paris, 1985, vol. IV, n°2, p. 9-74.
Gernet (Louis), Stein (R.A.), préface et introduction à Études sociologiques sur la Chine, Paris, 1953.
Freedman (Maurice), Introduction à M. Granet The Religion of the Chinese People, 1975, Oxford, Basil Blackwell.
Goudineau (Yves), « Marcel Granet (1884-1940). Un ethnographe de la Chine ancienne. Archéo-bibliographie », Préfaces, vol. 7, avril-mai 1988, p. 119-130.
Goudineau (Yves), « Une vérification expérimentale dans la Chine de 1912. Marcel Granet en terrain lettré », Gradhiva, vol. 14, 1993, p. 95-112.
Goudineau (Yves), « Lévi-Strauss, la Chine de Granet, l’ombre de Durkheim. Retour aux sources de l’analyse structurale de la parenté », Cahiers de l’Herne, cahier spécial Lévi-Strauss, 2004, p. 165-188 ; rééd. 2014, Paris, Flammarion, coll. Champs.