Études de philologie à Liège (agrégé de philologie classique, Université de Liège, 1957) puis à Paris: conférences de Louis Gernet à la VIe section de l'EPHE, de Jean-Pierre Vernant, de Georges Dumézil, de Claude Lévi-Strauss...
Publie Homère, Hésiode et Pythagore (Bruxelles,1962)
Publie La notion de daimôn dans le Pythagorisme ancien (Paris, 1963), où il remercie les membres du jury de son « doctorat de 3e cycle à la Sorbonne » et présente ainsi ses titres : « ancien élève de l’École Normale Supérieure ; élève diplômé de l'École des Hautes Études ; docteur en Sciences religieuses (Sorbonne) ; aspirant du FNRS ».
1963 : chef de travaux à la Section des sciences économiques et sociales
1964 : participe avec Jean-Pierre Vernant à la fondation du Centre d'études comparées des sociétés antiques
1964-1965 : Remplacement occasionnel de Jean-Pierre Vernant à la Section des sciences économiques et sociales
1969-1975 : Sous-directeur d'études, chaire de « Sociologie de la Grèce ancienne » (dont le directeur d'études est Pierre Vidal-Naquet), Section des sciences économiques et sociales
1975-1998 : Directeur d'études, chaire de « Religions de la Grèce ancienne », Section des sciences religieuses
Marcel Detienne arrive à Paris au début des années soixante après avoir été assistant en histoire de la philosophie à l'Université de Liège.
1964 : participe avec Jean-Pierre Vernant à la fondation du Centre d'études comparées des sociétés antiques (plus tard "Centre Louis Gernet")
1992- À l'occasion notamment de la création du Centre Louis Marin d'études interdisciplinaires (« centre d'excellence d'études françaises ») à l'Université John Hopkins, Marcel Detienne est sollicité par la Johns Hopkins University, à Baltimore. Il y est nommé Basil L. Gildersleeve Professor et en est, depuis, professeur émérite.
2002-2003 : Cycle de conférences dans le cadre de la chaire Francqui interuniversitaire à titre étranger à l'Université de Liège (« Les dieux du politique »).
Marcel Detienne a œuvré pour une anthropologie historique et comparée de la Grèce ancienne, dont ses travaux expérimentent les méthodes et illustrent de multiples approches. Spécialisé dans l'étude du polythéisme grec et soucieux de rendre compte des catégories concrètes de la pensée qui s'y joue, pour mieux soustraire ces représentations aux a priori privilégiant l'héritage philosophique de la Grèce ancienne, il n'a pas hésité à emprunter, avec brio, les outils du structuralisme (Dumézil et Lévi-Strauss) et mettre ainsi au jour une « pensée sauvage » ou archaïque. Auditeur de Louis Gernet et collaborateur de Jean-Pierre Vernant ou de Charles Malamoud, activement présent dans les recherches du Centre Gernet dès sa fondation, il figure dans le paysage académique, vu de l'étranger, comme un des maîtres de l'« École de Paris », trublion génial et semeur d'idées, vite dédaigneux de ses propres avancées. Après une carrière française brillante, d'helléniste puis de comparatiste, il poursuivit son enseignement aux Étas-Unis, publiant dès lors surtout des ouvrages polémiques sur le comparatisme et sur les crispations identitaires.
Pour lui, la pensée grecque ne commence plus avec la philosophie, mais bien avec Homère, Hésiode ou Phérécyde. L'intelligence pratique et rusée – la mètis – mérite autant d'attention que le logos. Le mythe n'est plus une catégorie primitive de la pensée, mais une construction historiographique. Les dieux grecs ne sont pas des personnes divines, mais des élaborations complexes articulant matières oblatoires, gestes rituels, artefacts et catégories sociales dans un panthéon pensé comme un réseau de relations et d'oppositions. Le sacrifice n'est ni don ni renoncement, mais fête, boucherie, cuisine et ripaille collectives. Il n'y a pas de « miracle grec » qui puisse empêcher la comparaison de la Grèce ancienne avec les sociétés les plus rudimentaires, ni de privilège des sociétés avec écriture sur celles qui sont dites de l'oralité. La Parole (Logos?) a pu être distribuée entre égaux ou érigée en divinité de multiples manières, selon les époques et les sociétés. Ce ne sont pas la mémoire et les morts qui fondent un territoire, mais des manipulations et des déambulations multiples : ainsi, sous les pas d'Apollon, un chemin frayé à coups de hache, des dieux transportés au fond d'une marmite sous forme de cendres de sacrifices... L'anthropologie ouvre les horizons, là où l'histoire (de France surtout !) tend à encourager des assignations identitaires et nationalistes... Telles sont quelques-unes des fenêtres ouvertes par les enquêtes, souvent collectives, menées par Marcel Detienne.
Homère, Hésiode et Pythagore. Poésie et philosophie dans le pythagorisme ancien, Bruxelles, Latomus n° 57, 1962, 116 p.
La notion de Daïmôn dans le pythagorisme ancien. De la pensée religieuse à la pensée philosophique, Paris : Les Belles Lettres (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège n° 165), 1963, 214 p.
Les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, Paris : Maspéro (« Textes à l'appui »), 1967, 160 p.
Les Jardins d'Adonis. La mythologie des aromates en Grèce, Paris : Gallimard (Bibliothèque des Histoires), 1972, xlvii-248 p.
Les Ruses de l'intelligence. La métis chez les Grecs (en collaboration avec Jean-Pierre Vernant), Paris : Flammarion (Nouvelle Bibliothèque scientifique), 1974, 317 p.
Dionysos mis à mort, Paris : Gallimard (« Les Essais »), 1977, 237 p.
La Cuisine du sacrifice en pays grec (en collaboration avec Jean-Pierre Vernant et alii), Paris : Gallimard (Bibliothèque des Histoires), 1979, 344 p.
L'Invention de la mythologie, Paris : Gallimard (« Tel » 212), 1981, 252 p.
Dionysos à ciel ouvert, Paris : Hachette (« Textes du XXe siècle »), 1986, 122 p.
Dir., Les Savoirs de l’écriture en Grèce ancienne, Lille : Presses universitaires de Lille, 1988, 540 p.
La Vie quotidienne des dieux grecs (en collaboration avec Giulia Sissa), Paris : Hachette, 1989, 301 p.
L'Écriture d'Orphée, Paris : Gallimard (« L'Infini »), 1989, 238 p.
Dir., Tracés de fondation, Louvain-Paris : Peeters (BEHE, Sciences religieuses n° 93), 1990, 329 p.
Dir. avec G. Hamonic, La Déesse parole : quatre figures de la langue des dieux, Paris : Flammarion (« Idées et Recherches »), 1993, 116 p.
Dir., Transcrire les mythologies, Paris : Albin Michel (« Idées »), 1994, 284 p.
Apollon le couteau à la main. Une approche expérimentale du polythéisme grec, Paris : Gallimard, 1998, 350 p.
Comparer l'incomparable, Paris : Seuil, 2000, 135 p.
Comment être autochtone ? Du pur Athénien au Français raciné, Paris : Seuil, 2003, 174 p.
Dir., Qui veut prendre la parole ?, Paris : Seuil (Le Genre humain), 2003, 448 p.
Les Grecs et nous. Une anthropologie comparée de la Grèce ancienne, Paris : Perrin, 2005.
L'identité nationale, une énigme, Paris : Gallimard (« Folio Histoire »), 2010, 177 p.
Les engagements de Marcel Detienne sont intellectuels (parfois ad hominem) et très éloignés du politique : pour une histoire renouvelée, rafraîchie – pour la promotion de l'anthropologie dans l'Université française et européenne – contre les carcans disciplinaires dans l'Université – pour une approche distanciée et non idéalisée de la civilisation grecque – contre l'apologie d'une forme unique de rationalité discursive – pour des études comparatistes en sciences humaines qui réunissent des spécialistes de pointe, chacun dans sa discipline, en vue de travaux collectifs de recherche de « comparables » – pour la réhabilitation des sociétés dites « premières », confrontées, à égalité de rang, avec les civilisations complexes – contre l'idéologie nationaliste et identitaire qui va chercher en Grèce des modèles d'autochtonie. Ces engagements sont représentés par ses livres eux-mêmes, au moins à partir des Maîtres de vérité.
De nombreux élèves et émules de Marcel Detienne (souvent se réclamant simultanément de Jean-Pierre Vernant, de Pierre Vidal-Naquet ou de Nicole Loraux) parvenus à des postes universitaires témoignent du rayonnement de son enseignement.
Voir R. Koch Piettre, « L'anthropologie comparative de Marcel Detienne », Mètis n.s. 6, 2008, p. 345-376.
Vincent Genin, Avec Marcel Detienne, Genève : Labor et Fides, 2021.