Fils de Mathatias Benvenisti (plus tard Benveniste), 1868-1931, né à Smyrne, et de Marie Malkenson, 1868-1919, née à Vilna (aujourd'hui Vilnius), instituteurs, puis directeurs d'école de l'Alliance israélite universelle ; un frère, Hillel (puis Henri), né à Jaffa en 1901, victime de la rafle du Vel' d'Hiv, déporté et mort à Auschwitz en 1942 ; une sœur, Carmeila, née à Alep (Syrie) en 1904, morte à Paris en 1979.
Célibataire
En 1913, Emile Benveniste est envoyé à Paris par ses parents, comme boursier de l'Alliance israélite universelle ; études au Séminaire israélite de France (rue Vauquelin, 5e arrondissement). Repéré par l'indianiste Sylvain Lévi, qui y donnait des conférences, il est encouragé à poursuivre des études à la Sorbonne. Après avoir passé le baccalauréat, en 1918, il s'inscrit à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris, où il fait la connaissance de Joseph Vendryes, alors professeur de linguistique. À partir de l'année scolaire 1918-1919, il est auditeur des conférences de l'EPHE : Antoine Meillet (grammaire comparée), Louis Finot (sanskrit), Sylvain Lévi (sanskrit) et Emile Chatelain (paléographie latine) ; en 1919-1920, il suit aussi les conférences de Jules Bloch (grammaire comparée). Apprentissage de plusieurs langues indo-européennes anciennes. À la Sorbonne, il obtient le 21 juin 1920 le Diplôme d'études supérieures de langues classiques, sous la direction de J. Vendryes, avec un travail sur "Les futurs et subjonctifs sigmatiques du latin archaïque", qui sera publié en 1922 dans le BSL. Il obtient l'agrégation de grammaire en 1922 (9e). Son travail de reprise de la grammaire sogdienne commencée par Robert Gauthiot sous la forme d'un mémoire est accepté comme Diplôme de l'EPHE en 1923 ; le texte complété sera publié comme livre en 1929 (Essai de grammaire sogdienne, 2e partie). Son prénom de naissance était Ezra, mais il adopte le prénom Emile quand il renonce aux études de rabbinat pour s'inscrire à la Sorbonne. Il obtient l'admission à domicile avec droits civils le 3 mai 1921, il devient citoyen français le 9 octobre 1924. De 1922 à 1924, il enseigne au Collège Sévigné à Paris ; en 1924-1925, il est précepteur des enfants de l'industriel indien R.D. Tata à Poona, au sud-est de Bombay. Service militaire comme soldat d'infanterie, au Maroc, du 1er mai 1926 au 10 novembre 1927.
Ses thèses déposées en 1935 lui valent le titre de docteur ès lettres (27 février 1936).
Directeur d'études de grammaire comparée et de langues iraniennes, du 15 novembre 1927 au 26 juillet 1937. Il reprend les postes abandonnés volontairement par Antoine Meillet.
Directeur d'études cumulant de grammaire comparée et de langues iraniennes, de 1937 jusqu'en 1969 (officiellement, jusqu'au 27 mai 1972).
Fondateur, en 1961, avec Pierre Gourou et Claude Lévi-Strauss, de la revue L'Homme. Revue française d'anthropologie, liée au Laboratoire d'anthropologie de la VIe section de l'EPHE.
Directeur de l'Institut d'études iraniennes de l'Université de Paris, à partir de 1963.
Directeur de la Revue d'études arméniennes, nouvelle série, à partir de 1964.
Président en 1969 de l'Association internationale de sémiotique, qu'il a contribué à fonder.
Professeur de grammaire comparée au Collège de France, à compter de juillet 1937. Auparavant, il avait suppléé Antoine Meillet de 1934 à 1936.
Interruption de son enseignement au Collège de France de 1939 à 1944. Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier le 20 juin 1940, séjourne dans un stalag jusqu'à son évasion, le 21 novembre 1941. En octobre 1940, obligation lui est faite de quitter son poste au Collège de France, en application du statut des juifs édicté par le gouvernement de Vichy. Clandestinité en France, dans la région lyonnaise, puis, lors de l'invasion de la zone Sud en 1942, passage en Suisse, gràce à son élève et ami, le Père Jean De Menasce (1902-1913, juif d'Alexandrie devenu dominicain, et spécialiste de pehlevi), où il séjourne, à Fribourg, jusqu'en 1944.
Le 6 décembre 1969, un accident vasculaire cérébral entraîne une hémiplégie droite et l'aphasie ; il est obligé de renoncer à toute activité d'enseignement et de recherche.
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Membre de la Société Asiatique, élu le 13 mai 1921 ; secrétaire de 1928 à 1947.
Membre de la Société de Linguistique de Paris, élu le 17 janvier 1920 ; secrétaire-adjoint de 1945 à 1958, secrétaire de 1959 jusqu'à 1969 (officiellement, 1970).
Membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, élu le 27 mai 1960 au fauteuil laissé vacant par Joseph Vendryes.
Mission de la Direction générale des affaires culturelles en Iran puis en Afghanistan, de février à octobre 1947.
Missions sur la côté américaine du Nord-Ouest (archipel de la Reine-Charlotte, puis Alaska), avec le soutien de la Rockefeller Foundation, de juillet à octobre 1952 (enquête sur les langues haida et tlingit), de juillet à septembre 1953 (tlingit et langue de la province du Yukon).
Trois axes principaux ont été suivis par Benveniste au long de sa carrière : les études iraniennes, la linguistique indo-européenne et la linguistique générale. À partir de sa nomination au Collège de France, son enseignement à l'EPHE est conçu comme complémentaire de celui du Collège, où il traite de questions relatives à la structure de l'indo-européen, à la typologie générale de la syntaxe des langues et à la culture indo-européenne envisagée à travers le vocabulaire. Dès ses débuts, il est orienté par Meillet vers l'iranien, d'abord pour continuer et achever les travaux laissés en plan par le décès prématuré de Robert Gauthiot. Dans le domaine iranien, recherches et enseignement portent sur les langues de l'Iran pré-islamique et de l'Asie Centrale : avestique, vieux-perse, sogdien, moyen-perse manichéen, parthe manichéen, pehlevi et bactrien. Dans le domaine indo-européen, il traite de toutes les langues, y compris les langues indo-européennes découvertes au début du XXe s. : il considère de près les données du hittite et du tokharien, et met plusieurs fois le hittite au programme de ses conférences. Son objectif est de renouveler par l'étude de ces langues l'image de l'indo-européen commun qui semblait acquise à la fin du XIXe s. Par l'association étroite de la philologie, de l'histoire et de la linguistique, il se situe dans la continuité de Meillet et des autres maîtres de l'école de Paris. En même temps, il est un des représentants les plus conséquents du structuralisme dans le domaine indo-européen, développé dans les années 1920 à partir de la doctrine de Saussure, d'abord dans la phonologie, puis dans la morphologie, et à tous les niveaux de l'analyse linguistique. Son but explicite est de mettre au jour des valeurs, fondées sur les oppositions de forme et de sens, dans chaque langue indo-européenne, et aussi dans l'indo-européen reconstruit, qu'il conçoit comme une langue en devenir, dont les stades successifs sont accessibles par la reconstruction interne. Féru d'analyse des textes, y compris littéraires et religieux, il est particulièrement attentif aux rapports de la signification des mots avec les situations sociales et culturelles, dans une perspective anthropologique. Benveniste est un découvreur de langues, par son travail de déchiffrement de documents difficiles exhumés par l'archéologie et par son travail de terrain sur des langues vivantes mené au cours d'enquêtes linguistiques sur les parlers d'Iran et d'Afghanistan (1947) et sur les langues amérindiennes de la côte Pacifique du Nord-Ouest (1952, 1953). Benveniste a développé une approche nouvelle de la signification, qui se fondait autant sur les langues non indo-européennes qu'indo-européennes: au-delà du système de signes propre à chaque langue, dans le discours, le langage est assumé par des individus dans des situations singulières de la relation intersubjective.
1. Le Sūtra des Causes et des Effets. Tome 2 : transcription, traduction, commentaire et index. Par Robert Gauthiot et Paul Pelliot avec la collaboration d’Émile Benveniste, 2 fascicules, Paris : Geuthner, 1926-1928 (Mission Pelliot en Asie Centrale. Série in-4°, II).
2. Essai de grammaire sogdienne. Deuxième partie : Morphologie, syntaxe et glossaire, Paris : Geuthner, 1929 (Mission Pelliot en Asie Centrale. Série in-8°, III).
3. The Persian Religion according to the Chief Greek Texts, Paris : Geuthner, 1929 (University of Paris, Ratanbai Kartak Lectures, I).
4. (avec Louis Renou), Vtra et Vθragna. Etude de mythologie indo-iranienne, Paris : Imprimerie Nationale, 1934 (Cahiers de la Société Asiatique, III).
5. Origines de la formation des noms en indo-européen. I, Paris : Adrien-Maisonneuve, 1935.
6. Les infinitifs avestiques, Paris : Adrien-Maisonneuve, 1935.
7. Les Mages dans l’Ancien Iran, Paris : G.-P. Maisonneuve, 1938 (Publications de la Société des Études Iraniennes, 15).
8. Codices Sogdiani. Manuscrits de la Bibliothèque Nationale (Mission Pelliot) reproduits en fac-similé avec une introduction, Copenhague : Munksgaard, 1940 (Monumenta Linguarum Asiae Maioris. III).
9. Textes sogdiens. Édités, traduits et commentés, Paris : Geuthner, 1940 (Mission Pelliot en Asie Centrale. Série in-4°, III)..
10. Vessantara Jātaka. Texte sogdien, édité, traduit et commenté, Paris : Geuthner, 1946 (Mission Pelliot en Asie Centrale. Série in-4°, IV).
11. Noms d’agent et noms d’action en indo-européen, Paris : Adrien-Maisonneuve, 1948.
12. Études sur la langue ossète, Paris : Klincksieck, 1959.
13. Hittite et indo-européen. Études comparatives, Paris : Adrien-Maisonneuve, 1962 (Bibliothèque archéologique et historique de l’Institut français d’Istanbul, 5).
14. Problèmes de linguistique générale [I], Paris : Gallimard (Bibliothèque des Sciences Humaines), 1966.
15. Titres et noms propres en iranien ancien, Paris : Klincksieck, 1966.
16. Le vocabulaire des institutions indo-européennes, 2 tomes, Paris : Minuit, 1969.
17. Problèmes de linguistique générale. II, Paris : Gallimard (Bibliothèque des Sciences Humaines), 1974.
18. Baudelaire. Présentation et transcription de Chloé Laplantine, Limoges : Lambert-Lucas, 2011. {Notes de Benveniste sur la langue poétique de Baudelaire, écrites en 196
19. Dernières leçons. Collège de France 1968 et 1969. Edition établie par Jean-Claude Coquet et Irène Fenoglio, Paris : Seuil/Gallimard (Hautes Etudes, EHESS), 2012.
20. Langues, cultures, religions. Choix d’articles réunis par Chloé Laplantine et Georges-Jean Pinault, Limoges : Lambert-Lucas, 2015.
Homme de gauche, sans engagement partisan. Signataire en 1925 du manifeste des intellectuels contre la guerre du Rif, au Maroc. Signataire en 1942 de la lettre ouverte de Marc Bloch aux dirigeants de l'Union Générale des Israélites de France ; il s'y déclare "Israélite français", tout en étant agnostique.
1. Etrennes de linguistique offertes par quelques amis à Emile Benveniste. Avant-propos de Antoine Meillet, Paris : Librairie orientaliste Paul Geuthner.
2. Mélanges linguistiques offerts à Emile Benveniste, Paris, Peeters, 1975 (Collection linguistique publiée par la Société de Linguistique de Paris, t. LXX).
3. Langue, discours, société. Pour Emile Benveniste. Sous la direction de Julia Kristeva, Jean-Claude Milner, Nicolas Ruwet, Paris : Seuil, 1975.
Guy Serbat et Gilbert Lazard, Jean Taillardat (éd.), E. Benveniste aujourd'hui. Actes du colloque international du CNRS (Tours, 29-30 septembre 1983), 2 tomes, Louvain : Peeters (Bibliothèque de l'Information grammaticale), 1984.
Irène Fenoglio (dir.), Autour d'Emile Benveniste. Sur l'écriture. Textes d'Irène Fénoglio, Jean-Claude Coquet, Julia Kristeva, Charles Malamoud, Pascal Quignard, Paris : Seuil (Fiction & Cie), 2016.